Lundi 9 mai 2022 Quand un couple de danseurs (Kaori Ito et Théo Touvet) se met à nu devant le public afin d’évoquer son amour, ça donne une proposition déroutante et captivante baptisée "Embrase-moi". À découvrir à l’Hexagone de Meylan.
Beaucoup d'amour, peu d'érections
Par Aurélien Martinez
Publié Lundi 21 mai 2012 - 7993 lectures
Photo : Au-delà des collines de Cristian Mungiu
Le 65e festival de Cannes arrive déjà à mi-parcours de sa compétition, et celle-ci paraît encore bien faible, avec ce qui s’annonce comme un match retour de 2009 entre Audiard et Haneke et une forte tendance à la représentation du sentiment amoureux. Christophe Chabert
Serait-ce la nouvelle loi cannoise ? Pour une année de compétition passionnante, la suivante serait forcément décevante ou mineure. Le cru 2009 était exceptionnel, celui de 2010 fut cauchemardesque ; l’édition 2011 était brillante, celle de 2012 a démarré piano. Tout avait pourtant bien commencé avec un film d’ouverture extraordinaire, Moonrise kingdom de Wes Anderson, et la projection du Audiard, De rouille et d’os. Puis vint le temps des désillusions : par exemple Après la bataille de Yousri Nasrallah, qui se complait dans une forme de soap opéra ultra-dialogué alors qu’il avait manifestement l’envie de retrouver le lustre des grands mélodrames égyptiens. Évoquant la Révolution récente, le cinéaste tombe dans le piège du cinéma à sujet, didactisme balourd que l’intrigue sentimentale ne vient pas alléger, au contraire. Nasrallah veut aborder tous ses enjeux en même temps, mais oublie complètement de les mettre en scène. Catastrophe aussi avec Paradis : Amour d’Ulrich Seidl, où la misanthropie du réalisateur éclate à tous les plans. Fustigeant à la fois les vieilles Autrichiennes qui vont au Kenya pour se payer une tranche de tourisme sexuel et les Kenyans qui abusent de la naïveté de certaines, le film est surtout la démonstration que ce cinéma du plan totalitaire, où toute liberté est déniée aux personnages au profit du regard moralisateur du cinéaste, arrive à bout de souffle.
Retour de dogmes
Avec Lawless, on espérait que John Hillcoat retrouverait la grâce de son magnifique The Proposition, déjà sur un scénario du grand Nick Cave. Mais ce mélange entre western et film de gangsters est juste un médiocre divertissement mainstream, où le réalisateur passe plus de temps à regarder sa reconstitution qu’à mettre en valeur ses arcs dramatiques. Académique et impersonnelle, la mise en scène laisse les acteurs faire n’importe quoi, à commencer par Guy Pearce qui bousille définitivement sa carrière en méchant grande folle gominé et tiré à quatre épingles — mais Tom Hardy et ses grognements n’est guère à son avantage non plus. Quant à Thomas Vinterberg, si son Jagten est bien écrit, bien réalisé et excellemment interprété (donc regardable), il ne faut pas trop creuser le point de vue du cinéaste sur son récit — un employé de jardin d’enfants accusé à tort de pédophilie — où tout est écrit d’avance : lui est intelligent, discret, cultivé ; les autres sont des gros bœufs tombant dans tous les panneaux et prêts, quand l’occasion se présente, à lui sauter à la gorge. Impression bizarre : le film est plaisant et détestable pour la même raison, à savoir son caractère manipulateur. Plus complexe est le cas Cristian Mungiu. Le réalisateur de 4 mois, 3 semaines, 2 jours a sans doute pêché par excès de confiance avec Au-delà des collines. Poussant à son acmé le principe du plan-séquence en temps réel qui est la base du nouveau cinéma roumain, il oublie le spectateur en route, qui subit plus qu’il ne vit la mécanique tragique de son histoire. On attend avec une certaine impatience (1h30 !) que le film passe dans sa partie la plus spectaculaire, et si Mungiu arrache quelques très beaux éclats de cinéma, difficile de ne pas flancher face à son déroulé programmatique et sa forme dogmatique —un comble pour un film qui entend jeter un sort aux dogmes religieux. Quant à Matteo Garrone, son Reality est certes une petite chose, mais il contient de formidables moments d’écriture, de jeu et de mise en scène. Si sa comédie sur un petit poissonnier magouilleur à Naples qui se persuade qu’il va devenir une star de la télé-réalité n’est pas à se taper sur les cuisses, le film marque des points dans le combat esthétique qu’il engage avec la forme télévisuelle, répondant au temps réel trafiqué des Big Brother de tout poil par de vrais plans-séquences dans lesquels les personnages existent dans leur pleine complexité. Une bonne surprise, du moins pour nous qui ne considérions pas Gomorra comme le film du siècle…
L’Amour à mort
On s’apprêtait donc à pleurer notre mémé sur ce début de compétition, mais Michael Haneke est venu, et a tout bouleversé. Car Amour, son nouveau film, est un choc encore plus puissant que Le Ruban blanc. Descendu de son piédestal d’artiste donneur de leçons, Haneke filme avec une empathie admirable le crépuscule d’un couple dont la femme (Emmanuelle Riva, magnifique), malade, s’enfonce dans la déchéance physique. Cette déchéance n’est pas l’horizon du cinéaste ; ce qui l’intéresse, c’est l’acte d’amour fou qu’elle déclenche chez celui qui survit (Trintignant, au-delà de tout éloge), la manière dont il va s’arranger avec sa propre douleur morale et, en fin de compte, retrouver une tendresse perdue sous l’habitude de la vie commune. Rien de clinique dans Amour, rien d’hautain, rien de violent. Alors que son sujet n’a jamais été aussi dur, le cinéma d’Haneke n’a jamais été aussi doux. Sur le terrain de la représentation du sentiment amoureux, grand thème du festival jusque-là, l’Autrichien marque un point face à son grand rival Audiard, et se positionne une nouvelle fois comme un favori pour la Palme d’or.
pour aller plus loin
vous serez sans doute intéressé par...
Mardi 12 avril 2022 Mercredi, jour de sorties en salles : voici notre sélection des films à voir à Grenoble cette semaine.
Lundi 31 janvier 2022 La disparition prématurée de Sólveig Anspach a mené entre les mains de Carine Tardieu le scénario des Jeunes Amants, que la cinéaste a retravaillé et tourné entre Lyon et Paris avec Melvil Poupaud et Fanny Ardant dans le rôle de Shauna....
Lundi 31 janvier 2022 Quand Anatole Dauman (qui a déjà à son catalogue Resnais, Chris Marker ou Bresson) propose à Nagisa Ōshima de signer un film érotique, le genre s’apprête à (...)
Lundi 31 janvier 2022 Tour d'horizon des sorties cinéma des mercredis 2 et 9 février.
Mardi 18 janvier 2022 Les films qu'on a vus avant leur sortie les mercredis 19 et 26 janvier : revue de détail des deux prochaines semaines au cinéma.
Jeudi 23 décembre 2021 Adaptation d’un roman de Philip Roth qui lui trottait depuis longtemps en tête, la tromperie d'Arnaud Desplechin est aussi un plaidoyer pro domo en faveur du droit de l’artiste à transmuter la vérité de son entourage dans ses œuvres....
Vendredi 10 décembre 2021 Prolongeant leur aventure commune débutée en court-métrage (La Contre-allée, présenté à la Semaine de la Critique en 2014 et couronné d’un César en 2016), Cécile Ducrocq et Laure Calamy donnent vie à un personnage de prostituée se démenant pour...
Lundi 29 novembre 2021 Hasard du calendrier, le cycle “La Machine à parler d’amour” de la cinémathèque voit se succéder deux (...)
Mardi 16 novembre 2021 « Ce que j’essaye de faire avant tout, c’est de sortir de la photographie ». C’est plutôt réussi. À la galerie Ex-Nihilo, Jean-Pierre Bonfort (...)
Vendredi 22 octobre 2021 Sarah Anton, Jacob Madamour et Thierry Lombard exposent jusqu'au 30 octobre à la 1-10 Galerie, quartier Saint-Bruno à Grenoble.
Mardi 21 septembre 2021 Dévoilée il y a quelques jours, la programmation de saison de la Cinémathèque de Grenoble s’articulera de septembre à décembre autour d’un cycle intitulé "La machine à parler d’amour", ponctué de plusieurs séances spéciales. Décryptage.
Mardi 7 septembre 2021 L’amour donne du cœur au ventre, fait parfois partir sur un coup de tête, et peut convoquer bien d’autres mécaniques corporelles. Comme pas mal de films de la quinzaine. Attention : on ne prend pas toujours son pied…
Mardi 8 décembre 2020 Peut-on s’amuser du sexisme et de ses conséquences tragiques ? L’humoriste engagée Sophia Aram répond avec un grand oui dans son nouveau spectacle "À nos amours". Son rire féministe et salvateur sera à retrouver début janvier à Villard-Bonnot...
Mercredi 28 octobre 2020 ★☆☆☆☆ De et avec Nicolas Maury (Fr., 1h48) avec également Nathalie Baye, Arnaud Valois…
Mardi 6 octobre 2020 Boire / Thomas Vinterberg s’empare d’une théorie tordue pour s’attaquer à un nouveau "pilier culturel" scandinave : la surconsommation d’alcool. Une fausse comédie et une vraie étude de mœurs à voir cul sec.
Mardi 23 juin 2020 Présentation d'albums (1/3) : Le Petit Bulletin vous propose une nouvelle mini-sélection de disques. Nous avons tout particulièrement aimé les dernières livraisons de Bleu Russe.
Mardi 4 février 2020 Éternelle Carmen ! Si l'opéra de Bizet se prête volontiers à une certaine emphase, il est possible d'interpréter la même histoire de manière plus modeste. C'est ce que démontre un spectacle progrtammé à l'Odyssée (Eybens) vendredi 7 février.
Mardi 21 janvier 2020 Passionnés de BD, les membres de la communauté BD Partage sont désormais réunis au sein d'une association. Et ils ont déjà plein de projets ! Leurs explications.
Mardi 12 novembre 2019 Si son nom n’évoquera a priori pas grand-chose à grand monde, soyons très clairs cependant : dans certains cercles spécialisés, le Berlinois Mark Ernestus (...)
Mardi 15 octobre 2019 De Patrick-Mario Bernard & Pierre Trividic (Fr., 1h44) avec Jean-Christophe Folly, Isabelle Carré, Golshifteh Farahani…
Mardi 1 octobre 2019 Chevronné vétéran des débuts la scène house de Chicago, Lil’ Louis est avant tout entré dans la postérité comme l’auteur du classique d’entre les classiques "French Kiss" en 1989. Il sera à la Belle électrique ce samedi 5 octobre pour une soirée qui...
Mardi 1 octobre 2019 Au Pont-de-Claix jusqu'au 16 novembre, la cinquième Biennale internationale d’art non objectif propose une série d’œuvres réalisées par des artistes qui aiment jouer avec les formes, les matériaux et leurs spécificités. Un régal pour les amateurs...
Lundi 16 septembre 2019 Sur fond de dissimulation artistique, Céline Sciamma filme le rapprochement intellectuel et intime de deux femmes à l’époque des Lumières. Une œuvre marquée par la présence invisible des hommes, le poids indélébile des amours perdues et le duo...
Mardi 4 juin 2019 De Romain Cogitore (Fr-Taï, 1h30) avec Déborah François, Paul Hamy, Daniel Martin…
Mardi 21 mai 2019 Vendredi 24 mai, le festival Magic Bus se poursuivra à l'Ampérage avec une soirée qui promet.
Lundi 6 mai 2019 De Romain Laguna (Fr, 1h25) avec Zéa Duprez, Billal Agab, Oumaima Lyamouri…
Vendredi 19 avril 2019 Mike D'Inca, membre éminent de la formation grenobloise, sera mercredi 24 avril à la librairie Decitre pour parler du livre (touchant) qu'il vient d'écrire. Avant d'aller donner un gros concert avec ses potes deux jours plus tard à l'Ilyade pour la...
Mardi 9 avril 2019 Vendredi 12 avril à l'Ampérage, on a rendez-vous avec une figure émergente de la scène techno parisienne.
Lundi 1 avril 2019 Jeudi 4 avril, le Théâtre municipal de Grenoble accueille deux artistes de cirque qui connaissent un grand succès. Mérité le succès.