Pour une poignée de pesetas…

Un des grands cinéastes européens actuels, Alex De La Iglesia, livrait en 2002 avec "800 balles" un film à la fois référentiel et éminemment ambitieux, où le cinéma de genre devient un jeu d’enfants que l’on ne veut pas voir tomber entre les mains d’adultes cupides. Une projection est organisée cette semaine. Christophe Chabert

Alex De La Iglesia aurait pu rester ce cinéaste geek, vénéré par les adeptes de films bis et bizarres, ignoré par la cinéphilie «sérieuse». Mais voilà, De La Iglesia a tellement de talent qu’il n’a pas pu rester enfermé dans une case aussi étroite, et il a même réussi à aller damer le pion de son collègue (et producteur de son premier film) Almodovar en allant glaner des prix prestigieux dans les festivals internationaux, sans pour autant sombrer dans les travers du film pour festivals. Position impossible à tenir : malgré son triomphe à Venise, Balada triste, son chef-d’œuvre, a été ignoré par le public et sa dernière œuvre, La Chispa de la vida, est actuellement dans les cartons de la distribution. Du coup, il ne nous reste plus qu’à réévaluer son cinéma passé, ce qui sera chose faite cette semaine avec 800 balles.

Western tapas

Celui-ci se présente comme un aimable hommage au cinéma d’avant : un petit garçon, qui vit avec une mère businesswoman ambitieuse et négligente, se retrouve dans les décors naturels où furent tournés les grands westerns de Sergio Leone avec Clint Eastwood. Son père, cascadeur à l’époque, est mort ici au cours d’un accident sur un tournage. Dans ce bout de sud espagnol où règne un parfum d’ouest américain, les vieux de la vieille font de la résistance, ayant transformé l’endroit en parc d’attraction pour touristes. Mais un vaste projet immobilier les menace — dans tous ses films, De La Iglesia a su cerner les problèmes de la société espagnole, surconsommation, culte du divertissement, retour du fantôme franquiste ou ici, danger de la bulle spéculative autour de l’immobilier, source de la crise actuelle dans son pays — et ils vont déclencher un western live pour lutter contre les autorités venus les expulser. Le projet du cinéaste est assez gonflé : parti comme un pastiche révélant l’envers du décor, il embraie en cours de route sur un vrai film de genre, comme s’il fallait joindre le geste de mise en scène à la parole de ses personnages. Eux veulent croire dans l’espoir d’un cinéma populaire depuis longtemps jeté aux oubliettes ? De La Iglesia prend leur parti par la forme même de son film, bourré de péripéties et d’archétypes dignes des grands westerns spaghettis, une touche gore et ludique en bonus. Sans nostalgie mais avec la vigueur d’un cinéma ô combien contemporain, 800 balles est à la fois un manifeste et un sublime plaisir de spectateur.

800 balles, jeudi 7 juin à 20h, à l'association Asali

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