À la guerre comme à la guerre

Tout honorable qu’il soit, notamment dans sa lutte pour la divulgation des images liées aux guerres rongeant le Moyen-Orient, le travail du Libanais Akram Zaatari présenté au Magasin peine à séduire dans ces conditions. Le vif intérêt de l’œuvre offerte ici, quoique rugueuse, réside dans un onirisme qui se découvre ainsi avec force persévérance. Laetitia Giry

Point en effet essentiel : le format vidéo nous semble inadapté à l’espace d’exposition. Découvrir de cette manière des vidéos courtes est quelque chose que l’on a vu et que l’on continuera sans doute de voir sans trop s’en faire ; mais regarder un film d’une heure et demi dans un espace plus ou moins transformé en cinéma, voilà qui est plus fâcheux. Le film Aujourd’hui (2002) – pièce centrale qui prête son nom à l’exposition – est diffusé sur un immense et fort bel écran, face auquel quelques fauteuils ont été installés. Le son est si bon qu’il couvre celui émis par les casques associés à deux écrans placés à proximité, sur lesquels sont projetés des vidéos plus courtes. Si l’on dépasse ces mauvaises conditions, on découvre cependant une production engagée et intelligente, l’œuvre d’un homme comme les autres qui, du statut de témoin ordinaire, est devenu artiste au regard distancié, manipulateur de ses propres images.

Écrire en photos

Co-fondateur de la Fondation arabe pour l'Image (FAI), Akram Zaatari connaît bien la télé pour y avoir travaillé, et n’a de cesse de s’interroger sur le traitement de l’image que l’on donne au public. En tant qu’artiste, il œuvre désormais pour la divulgation du patrimoine photographique du Moyen-Orient en collectant, archivant, organisant le flux des images. Entre histoire personnelle et histoire collective, il tente d’examiner la situation d’un territoire divisé géographiquement et mentalement, luttant contre le déni des médias officiels. Une démarche qui lui est apparue comme une nécessité citoyenne lors de l’invasion israélienne au Liban en 1982 : « je prenais des notes, des images… parce que j’écoutais la radio et c’était comme si rien ne se passait.» Des documents qu’il utilise en 2002 pour construire son film. L’image est retravaillée et recontextualisée de manière à la fois plastique et documentaire, et acquiert ainsi un nouveau statut : « c’est un autre régime, c’est un déplacement. À l’époque je voulais juste capter les explosions, capter l’histoire. Maintenant, les échecs de captation me disent plus que les réussites. »

Enfouir l’Histoire

D’autres films le montrent déterrant une Time capsule, lettre enfouie pendant la guerre dans un obus, ou effectuant le mouvement inverse : enterrant lui-même des documents du présent pour les conserver dans le futur. Une obsession d’archéologue en même temps que d’archiviste : trouver et conserver. Celle d’un homme qui a vu de ses yeux la fragilité de l’existence comme celle de la vérité. Une angoisse qui se mute en idée un peu abstraite et poétique quand il affirme qu’à son avis, « il y a beaucoup de secrets sur cette Terre, et il suffit d’avoir les éléments de déchiffrage nécessaires pour pouvoir saisir ces données-là, mais il faut quand même toujours contribuer au secret, il faut toujours laisser des traces. »

This day at ten, Aujourd’hui à 10 ans
jusqu’au 6 janvier au Magasin – CNAC
Séances du film "Aujourd'hui" à 14h15, 15h45 et 17h15, du mardi au dimanche

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