« Un festival positif et fédérateur »

Si on ne peut pas rire de tout avec tout le monde, on peut rire de tout partout. Ainsi, dans le cadre du quarantième anniversaire du quartier de la Villeneuve, le festival du Rire ensemble et sa horde de comédiens (Wahid, Jérôme Daran, Les Lascars gays, Paul Séré…) promettent beaucoup. Rencontre avec Amine Amdouni, organisateur de l’événement et comédien lui-même. Propos recueillis par Orlando Fernandes

Il s’agit de la première édition du festival. Comment s’est déroulée l’organisation ?
Amine Amdouni :
C’est une action qui mûrissait depuis pas mal de temps. Après les événements de 2010, on a voulu faire quelque chose de fédérateur et positif pour l’image de la Villeneuve, car on s’est retrouvés une fois de plus stigmatisés ; il nous fallait donc créer un événement tape-à-l’œil. En même temps, on répondait à une attente des Isérois.

Est-ce qu’il y a une part de militantisme dans ce festival, ou est-ce l’humour pour l’humour ?
Il y en a, c’est indéniable. Avoir des gars qui viennent sur scène pour raconter des blagues de Toto, cela ne nous intéresse pas. On voulait des gens qui aient un parcours, un vécu, représentatifs de la diversité dans cette France plurielle. Il fallait tout ça sur scène, donc on a fait venir des gens de tous horizons, toutes confessions (juifs, musulmans, athées, fervents chrétiens…). C’est la France d’aujourd’hui : il nous fallait un spectacle à cette image.

Justement, quels sont les thèmes abordés ?
L’homosexualité en banlieue, le handicap physique... Chacun crée un personnage et se réapproprie le sujet à sa manière. Par exemple, Les Lascars gays, révélés par Laurent Ruquier, évoquent de façon poétique le fait d’être homo en banlieue. C’est l’une de nos têtes d’affiche.

Avec les événements tragiques qui ont touché le quartier ces dernières semaines, est-ce que vous pensez que les gens, et plus particulièrement les habitants de la Villeneuve, ont envie de rire ?
Ils ont surtout besoin que l’on parle positivement de ce quartier, et cet événement y contribue ; ils le vivent comme une fierté, en entendent parler à la radio... On parle d’eux en bien. Ce qui s’est passé est le fait d’une minorité, et c’est la majorité qui ramasse en termes d’image. On en souffre tous. On a bien dit aux journalistes qu’on ne voulait pas de questions sur ce qu’il s’est passé ici récemment ni faire de récupération. Parlons de l’action et contrebalançons les épisodes survenus ici, de façon intelligente. Sinon, ça soulève des douleurs chez les familles. On ne craint pas l’instrumentalisation : le projet est sur les rails depuis longtemps.

Comment avez-vous rencontré les comédiens ?
Ce sont tous des connaissances personnelles. Ici, à travers le sport et la culture, on a l’avantage d’avoir un carnet d’adresses bien fourni. Je les ai interpellés directement, on leur a soumis le projet et beaucoup ont adhéré directement. D’autres n’étaient pas disponibles, comme Kyan Khojandi de  la série Bref ou Kamel le Magicien… Ce sont des amis, aussi. Si c’était une autre structure qui essayait de les faire venir, ce ne serait sûrement pas les mêmes prix, ni les mêmes conditions.

Les comédiens sont Grenoblois ?
La plupart sont Parisiens : pour percer, ils s’installent là-bas. On a Callaghan, un Isérois qui a passé une partie de sa jeunesse à Bourgoin-Jallieu. En tant que local, il y aura moi puisque je joue également et je suis un ancien habitant de la Villeneuve. Vincent Say vient spécialement du Canada, où il fait les scènes « Juste pour rire », pour sa première scène en France.

Mais comment fait-on au quotidien pour organiser pareil événement ?
On a galéré. Sur la vingtaine de partenaires que nous avons, on en a sollicité une centaine. Il y a un manque de sincérité et de respect parmi ceux qui ne nous ont pas répondu, comme s’ils nous avaient pris de haut parce qu’on habite à la Villeneuve. Nous sommes des habitants à part entière : on paie des impôts comme tout le monde, on travaille, on veut travailler. Il y un nombre énorme de gens diplômés qui veulent bosser mais dont l’adresse est discriminante. Mais quand on est arrivés, certains nous ont pris pour des rigolos : « Oh, un projet de plus qui sort de la Villeneuve… ». Certains nous croyaient incapables d’organiser une manifestation de ce type. On ne nous demandait même pas quelles étaient nos compétences ! C’est le cercle des vassaux. Pourtant, on a un bagage phénoménal. Tout ce qu’on demande, c’est le respect. Mais les préjugés, vous savez… Cependant, il y a un gros travail de fond auprès des jeunes que nous mobilisons et de nos adhérents.

C’est-à-dire ?
Par exemple, on a fait des visites de théâtres pour que les jeunes puissent s’approprier les lieux. Une personne du théâtre les regarde et leur dit : « Le jour du spectacle faudra pas venir en survet’ hein ? ». Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Ils se sont sentis insultés. Bien sûr qu’ils ne viendront pas en survet’ pour accueillir le public ! Du coup ils se disent : « On ne veut pas de nous ». C’est insultant. Ils ont tous baissé la tête.

Et votre parcours à vous, qui êtes aussi comédien.
J’ai commencé très jeune, avec mon frère de scène qui s’appelle Rachid. Lui est Ardéchois, moi je me suis posé ici après les études. Michel Boujenah nous a invités à l’Olympia. C’était un cadeau magnifique. On a joué à ses côtés en compagnie de Guy Bedos, Dany Boon. A Grenoble, il y a quelques spectacles d’humour mais ça relève plus de la programmation municipale. Mais sur des actions comme la nôtre, il n’y a pas d’équivalent.

1er Festival du Rire Ensemble, vendredi 26 et samedi 27 octobre, à Grenoble
 

Le Programme

Vendredi 26 octobre à 20h à l'Espace 600 :
Wahid, Booder, Nadia Roz, Amine&Rachid, Paul Séré et des surprises.

Samedi 27 octobre à 15h à l'Espace 600 :
Pie Tshibanda, dans le spectacle "Un fou noir au pays des blancs"

Samedi 27 octobre à 20h à la MC2 :
Les Lascars Gays, Shirley Souagnon, Les drôles de mecs, John Eldjam, Tareek et des surprises.

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