« Avoir un impact dans la cité »

Le Fita, biennale de théâtre engagée invitant des compagnies du monde entier, fête cette année ses dix ans. On a donc interrogé son directeur Laurent Poncelet, un insatiable promoteur de la rencontre entre art et citoyens. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Laurent Poncelet est un être affable qui sait défendre son bifteck avec conviction : oui, son Festival international de théâtre-action (dit Fita) est, depuis dix ans, l’un des événements phares de la vie culturelle de l’agglo. Et il se charge de nous le rappeler dès que possible, mais toujours avec courtoisie. Une façon de faire qui résume bien l’état d’esprit de sa biennale : parler de choses capitales, bien insister sur le caractère capital, tout en évitant d’être plombant. « En tant que metteur en scène [son activité principale, avec sa compagnie Ophélia Théâtre – ndlr], je suis en lien avec le monde dans lequel je vis. Je monte des pièces parce que c’est essentiel, parce qu’il y a une urgence. Avec le souhait que tout ce travail soit facteur de transformation, qu’il ait un impact dans la cité, qu’il mobilise et touche les habitants. » L’art, ce n’est donc pas une occupation du dimanche, c’est une mission, à faire partager au plus grand nombre. Tout en se disant que l’art doit quand même continuer à être de l’art. « Il est hors de question de rentrer dans un dogme. Il ne faut surtout pas s’enfermer dans la programmation. L’enjeu reste le théâtre, le spectacle vivant, mais avec quatre critères simples : des thématiques sociales ou politiques fortes ; une volonté des compagnies invitées d’aller à la rencontre de la population, en amont notamment ; une dimension internationale pour avoir différents points de vue ; et bien évidemment, un travail artistique de qualité. »

Frère Laurent

Flashback : en 2002 naît le Fita, à l’Espace 600, en prenant pour modèle un festival belge du même genre. Une première édition a minima, avec seulement trois spectacles à l’affiche – contre une quinzaine aujourd’hui. Pourtant, Laurent Poncelet sent immédiatement que quelque chose de fort voit le jour. « Très vite, on s’est aperçus que c’est là qu’il fallait que ça se passe. Parce que ce quartier [la Villeneuve, où se trouve l’Espace 600 – ndlr] est très riche et multiple, même si la diversité a peut-être tendance à se réduire. » Au fil des Fita, le projet s’affine. L’Espace 600 devient le centre des opérations, les partenaires étant de plus en plus nombreux à rejoindre le navire (une trentaine aujourd’hui). « L’idée essentielle a toujours été de proposer un cadre qui permette la rencontre entre théâtre et population, grâce à un travail en amont avec différentes structures de terrain : des centres sociaux, des MJC, des associations diverses... Depuis 2002, on s’est vraiment aperçus qu’il y avait une demande, un besoin. Tous ceux avec lesquels nous avons collaboré jusqu’ici sont en demande. C’est donc qu’au quotidien, il n’y a pas tant de travail qui se fait avec les habitants, et notamment autour d’un temps fort comme le nôtre. »

« Je m’inscris en pour »

Dans cette dernière phrase, Laurent Poncelet répond implicitement à la question du pourquoi ce festival. On en revient à la nécessité, à la mission. « Pour fréquenter un peu les salles de théâtre, le brassage que nous créons et que nous retrouvons à chaque édition n’est pas si courant que ça. » Et pourquoi l’idée de théâtre-action d’ailleurs ? Existerait-il un théâtre de non action, qui serait défendu par les grosses institutions, qui ne sont pas partenaires du Fita ? « Je ne m’inscris pas en contre, ça ne m’intéresse pas du tout. Je m’inscris en pour. Si une grosse institution comme une scène nationale a envie de jouer le jeu, pourquoi pas. Je travaille avec des gens qui ont envie d’aller dans le même sens. » On n’en saura pas plus. Qu’importe, l’enjeu est plus grand, dans les spectacles aux formes diverses, venus des quatre coins du monde – cette année le Vietnam, le Cameroun, le Maroc, la Syrie... Là-dessus, Laurent Poncelet est on ne peut plus prolixe. « Tous les deux ans, il y a une couleur. Volontairement, il n’y a pas un thème donné, ça n’aurait pas de sens. Ce qui fait qu’il y a une diversité de thématiques. Pourtant, il est vrai qu’il y a deux ans, on était plutôt autour de l’Afrique noire. Cette fois-ci, on est un peu plus autour du monde arabe. Car oui, il y a eu les révolutions arabes, et c’était essentiel pour le Fita de s’en emparer. On ne pouvait pas passer à côté. On aura ainsi des artistes qui ont été en prise directe avec les événements. »  Avec notamment une grande soirée autour des printemps arabes passés et, sans doute, à venir. Pour en savoir plus sur la programmation, c’est à côté que ça se passe !

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