Désacraliser Bourdieu

Réfléchissons ! C’est l’injonction que nous lance le festival Mode d’emploi, qui débarque à la MC2 le temps d’une soirée consacrée au renouveau de la critique sociale. Avec, comme intervenants, Luc Boltanski et Nancy Fraser. Aurélien Martinez (avec Jean-Emmanuel Denave)

À Lyon, un nouveau festival vient de voir le jour, à l’initiative de la Villa Gillet (ce « lieu de recherche et de dialogue autour de la pensée et des arts contemporains ») : Mode d’emploi. « L’idée, confie son directeur Guy Walter, est de redonner au débat intellectuel toute sa vigueur, surtout en ces temps de crise où se pose le problème crucial du vivre ensemble. » Selon ce dernier, nous serions aujourd’hui, après la disparition des grandes figures intellectuelles dans les années 1990, dans une période de retour des penseurs, « avec de nouveaux questionnements sur les thèmes de l’environnement, de la mondialisation, des nouvelles technologies ; avec une nouvelle urgence à penser ». Si l’essentiel de la manifestation se déroulera à Lyon, l’équipe organisatrice fera un crochet cette semaine par Grenoble, avec une conférence qui n’est pas forcément la plus simple et grand public. Son thème ? « Domination et émancipation : pour un renouveau de la critique sociale. » Les intervenants ? Le sociologue Luc Boltanski et la philosophe Nancy Fraser.

« Créer une troisième voie »

Le débat sera animé par Philippe Corcuff, un intellectuel qui est entre autres maître de conférence à Sciences-Po Lyon. « J’ai sorti en juin dernier un ouvrage de théorie sociologique intitulé Où est passé la critique sociale ? qui pose la question du rapport entre la critique de la domination et la perspective d’émancipation. Ainsi,  il y a eu un décrochage entre les deux, qui correspond à une sorte de décrochage entre la philosophie et la sociologie. » Il s’explique : « Il y a des sociologues qui s’intéressent à la critique des inégalités de domination – c’est-à-dire les contraintes et les asymétries de revenus qui pèsent sur les individus. Et il y a des philosophes qui cherchent à savoir comment l’on pourrait créer une autonomie individuelle et collective plus grande. Il y a donc des sociologues spécialisés dans le négatif, et des philosophes spécialisés dans l’exploration du positif. » L’idée étant de « renouer le fil, en créant une troisième voie », comme le font Boltanski et Fraser.

Un raisonnement fortement marqué par la pensée de Pierre Bourdieu, que Corcuff essaie de questionner. « Bourdieu est clairement celui qui dominer la sociologie de la domination. Mais il a peu exploré la question de l’émancipation. Il y a quelques années, Luc Boltanski, avec Laurent Thévenot, avait développé une sociologie pragmatique, qui s’intéressait davantage aux capacités des individus en situation plutôt que de s’intéresser aux contraintes qui pèsent sur eux. » Il s’agit donc de « ne pas avoir une vision déformée comme l’on voit parfois dans une critique sommaire à gauche, que j’appelle de manière polémique "la pensée Monde diplomatique" ». Corcuff, clairement marqué à la gauche de la gauche, se focalise ainsi sur les différents mouvements sociaux, qui contrediraient selon lui le postulat « de masses totalement aliénées qui n’auraient aucune capacité et qui seraient simplement abruties par la propagande médiatique ». La sociologie et la philosophie sont vraiment des sports de combat.

Conférence avec Luc Boltanski, Nancy Fraser et Philippe Corcuff, mardi 27 novembre à 19h30, à la MC2

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