Bell de nuit

Créature lynchienne à placer quelque part entre Lana Del Rey et Julee Cruise, Chrysta Bell est « belle comme un rêve et chante comme dans un rêve » dixit son mentor et producteur. Un certain... David Lynch bien sûr, qui ne jure plus que par elle. Stéphane Duchêne

Alors qu'une certaine Lana Del Rey se tortille dans tous les sens pour ramasser son héritage ou un peu d'attention de sa part – si sa reprise du Blue Velvet de Bobby Vinton, mise en lumière par une célèbre marque suédoise de prêt-à-porter, n'est pas un appel du pied, il faudra nous dire ce que c'est –, il y a déjà quelques temps que « M. Inquiétante Etrangeté » s'est entiché d'une autre créature. Elle s'appelle Chrystha Bell et comme Lana Del Rey est rousse comme une banquette de dinner ou une tarte aux cerises. Son album est clairement labellisé « produit par David Lynch » et ses concerts flottent sous la bannière « David Lynch présente ». Voilà donc le moment où l'on rappelle l'auditeur potentiel parti en courant : que celui-ci se rassure, tout cela n'a rien à voir avec les albums commis par le réalisateur – sous son nom ou celui de Blue Bob –, cette musique qu'il prenait pour du blues bizarre quand le commun des mortels y voyait plus volontiers de la bouillie.

Angel Star

C'est pourtant lui qui a écrit et composé l'album de la Bell, qu'on entendait déjà sur la BO d'Inland Empire. Si Lynch est tombé pour elle, c'est que ce grand amateur de divas ravagées y voit sûrement une créature de la trempe de la Dorothy Vallens de Blue Velvet, de la femme du radiateur d'Eraserhead, mais aussi et surtout de la voix de ses BO, la sirène de Twin Peaks, Julee Cruise (Angel Star, Polish Poem). Mieux, comme avec la plupart de ses actrices, d'Isabella Rossellini à Laura Dern, de Patrica Arquette à Naomi Watts, Lynch a fait de Chrystha Bell sa chose. Sur la pochette de This Train, l'œil droit de Bell coule d'une larme d'encre tandis que sous l'autre un cœur surplombe le prénom « David ». Elle, n'a guère l'air plus vivace que la Laura Palmer empaqueté de Twin Peaks – « I die », chante cette Angel Star à la manière d'une mort-vivante. Il faut dire que son chant est davantage taillé pour la méditation transcendantale et les yogis volants chers à son mentor que pour les dancings. Pour glacer et envelopper l'atmosphère que pour y mettre le feu – on ne met pas le feu aux atmosphères asphyxiées, ou alors à l'envers comme le cabanon de Lost Highway ravalant ses flammes. Encore que Real Love, habile mix du I put a spell on you de Marilyn Manson et du Eye des Smashing Pumpkins (cf. BO de Lost Highway) puisse raviver plus d'un désir refoulé. Reste cette question : cette poupée de son est-elle de cire, de celluloïd, de chair, ou les trois ?

Chrysta Bell, dimanche 9 décembre à 17h30, au Ciel

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 18 mars 2014 C'est la date "inquiétante étrangeté" du festival Les Femmes s'en mêlent, l'étape dont on risque de ne pas ressortir tout à fait dans le même état que celui dans (...)
Mercredi 14 février 2007 Rétro / À tous ceux qui aimeraient s'aventurer dans le monde d'INLAND EMPIRE sans avoir auparavant visité toutes les pièces de l'œuvre de Lynch (une démarche (...)
Mercredi 14 février 2007 Récit / Jeu du questions-réponses entre des spectateurs et David Lynch après la projection de INLAND EMPIRE à l’institut lumière de Lyon dimanche dernier. CC
Mercredi 14 février 2007 Critique / Film-monstre, abscons, dément, INLAND EMPIRE représente une forme de suicide commercial de la part de David Lynch, mais aussi une expérience cinématographique qui encourage autant qu'il décourage le commentaire. Christophe Chabert

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X