De la nécessité de rire

Le monde peut être vu sous divers angles. Le metteur en scène Oscar Gómez Mata le regarde lui à sa façon : décalée. Et compose alors des spectacles totalement barrés bien que reposant sur des bases théoriques solides. La preuve cette semaine avec le déroutant et loufoque "Suis à la messe, reviens de suite", qui s’intéresse ni plus ni moins qu’à la métaphysique. Rencontre. Propos recueillis par Aurélien Martinez

C’est un fait : la fin du monde aura lieu pour certains en pleine représentation d’un spectacle d’Oscar Gómez Mata. Ce qui semble beaucoup plus naturel que de la subir devant, par exemple, un vaudeville tout rance. Car le théâtre du metteur en scène espagnol (installé en Suisse depuis une quinzaine d’années) flirte avec l’absurde et le burlesque, tout en se basant constamment sur des fondements théoriques forts.

On se souvient ainsi de son Kaïros, présenté lors de l’édition 2009 des Rencontres-i, le festival arts-sciences de l’Hexagone de Meylan : un véritable ovni scénique inspiré de la physique quantique. Suis à la messe, reviens de suite suit la même logique : derrière une création a priori complètement barrée, convoquant un présentateur télé, un musicien bien inspiré ou encore un buisson prénommé Belinda, se cache une réflexion déroutante. « La notion de catastrophe présente dans la pièce trouve écho avec cette idée de fin du monde. C’est une pièce animiste, qui pose une thèse comme quoi les objets et tout ce qu’il y a autour de nous ont aussi une âme. Une âme comme une onde vibratoire, comme un tsunami, qui nous relie à toutes les choses. Et une onde qui peut aussi être destructrice. »

« Réalité sociale »

Un spectacle sur l’âme ? Certes ; mais il ne sera pas question de religion sur scène. Plutôt d’une « réalité sociale ». « Le spectacle n’est pas politique au niveau de l’idéologie, mais il est politique dans le sens où cette politique serait la position qu’un être humain prend dans la société. Quelle est notre position de pouvoir par rapport à la réalité ? Est-ce que l’on comprend que notre destin est lié à tout ce qu’il y a autour de nous ? Quelque part, on impose notre vision au reste – la nature autour, mais aussi à d’autres êtres humains. L’être humain serait comme coupé de la conscience de faire partie d’un tout et d’avoir une responsabilité dans la construction de ce tout, qui est en fait la réalité. » Ok.

L’art du divertissement

Et là, on voit l’écueil possible avec ce genre de propos : Suis à la messe, reviens de suite serait donc un spectacle moralisateur et prise de tête ? Oh que non ! Ce serait se tromper grandement sur le cas Gómez Mata, véritable trublion des arts de la scène qu’il dynamite avec délectation. « Il y a plusieurs niveaux de narration dans le spectacle. Il y a des moments très burlesques, proches de la farce, et d’autres plus poétiques, imagés. Il s’agit de faire passer un message intellectuel sans renier sur les moyens comiques du divertissement, pour arriver à une réflexion finale. Le rire est important pour réfléchir. »

Avec, en filigrane, la notion de plaisir, qui effraie nombre de metteurs en scène convaincus que le théâtre ne doit pas s’abaisser à ça – "on fait de l’art, nous". « C’est important de sentir que la vie vaut le coup d’être vécue. Il ne s’agit pas de nier la souffrance, mais de se dire que l’on peut tout de même avoir du plaisir. Il faut mieux réfléchir avec du plaisir que de souffrir tout le temps. Pourtant, dans mes spectacles, il y a toujours des moments où ça se durcit, où ce n’est pas facile avec le public, où c’est tendu. Des moments de relâchement sont donc importants... » D’où une création franchement drôle, construite façon montagnes russes, qui désarçonnera forcément certains spectateurs habitués à un théâtre plus académique. Mais qui embarquera ceux qui accepteront le parti pris de la compagnie. Nous, clairement, on est de ceux-là.

Suis à la messe, reviens de suite, jeudi 20 et vendredi 21 décembre à 20h, à l’Hexagone (Meylan)

 

 

Comment ça marche ?

Oscar Gómez Mata nous explique comment naissent ses créations : « Je pars d’un thème de travail, en écrivant des textes presque théoriques. Tous ces matériaux textuels en poche, couplés avec des idées d’improvisations et de travail, je partage mes réflexions avec mon équipe, dans une sorte de laboratoire. À partir de là, autant les textes que les idées vont se transformer... Je repars alors sur une nouvelle pièce, avec une dramaturgie... Et la pièce se construit avec la participation de toute l’équipe, comédiens, scénographe, la personne des lumières... »

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