Chouette idée que ce cycle "Égérie" organisé durant tout le mois de février par le Centre Culturel Cinématographique... L'idée est simple : le job de réalisateur s'étant majoritairement décliné au masculin singulier, il n'est pas rare que son pluriel soit une comédienne, à la ville comme à l'écran. Certains sont des cinéastes d'une seule femme (Cassavetes et Gena Rowlands), d'autres changent de conquête en cours de carrière (Woody Allen, passant de Diane Keaton à Mia Farrow).
Cette semaine, c'est d'ailleurs le cas Woody qui est à l'honneur avec Annie Hall – période Keaton, donc. Inusable, cette comédie marque un tournant dans sa filmographie : le gagman s'y fait plus discret, laissant apparaître un immense cinéaste qui n'hésite pas à expérimenter de nouveaux modes de narration et à faire de sa vie la matière première de ses fictions. D'entrée, Woody s'adresse au spectateur pour lui expliquer qu'il ne se remet pas de sa rupture avec Annie ; puis retour en arrière, loin dans l'existence du personnage, sur les bancs de l'école, dans sa famille et finalement au long de ses pérégrinations sentimentales, jusqu'à sa rencontre avec Annie Hall. Ils n'ont pas grand chose en commun, elle, la bourgeoise WASP expansive et lui, l'intello juif névrosé.
L'échec de leur relation est donc annoncé à tous les niveaux et pourtant, Woody Allen met en scène leur bonheur précaire, cette complicité fragile qui réunit deux êtres. Tout est dit dans la séquence mythique du homard, et dans sa reprise finale sous forme de fragment mélancolique arraché aux souvenirs du héros. Tempus fugit, certes, mais l'amour aussi...
Christophe Chabert
Annie Hall
Salle Juliet Berto, mercredi 6 février à 20h