Blues comme neige

Johnny Winter



ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Respecté et culte, le virtuose desperado albinos Johnny Winter n'a sans doute pas eu la carrière qu'il méritait. Mais il est toujours là, vieux crotale texan blanchi à l'héroïne et éternellement accro au blues. Stéphane Duchêne

Alors certes, Johnny Winter qu'on annonçait comme une version albâtre de Jimi Hendrix n'est que 63e au classement des meilleurs guitaristes de tous les temps établi par le magazine Rolling Stone. Mais quand on pense à tout ce que la planète compte de gratteux, c'est tout à fait honorable.

Le problème, c'est qu'à consulter ce classement, on trouve derrière Winter des Thurston Moore, des Bruce Springsteen, des Paul Simon, des Buddy Holly, des Lou Reed qui, s'ils n'ont sans doute pas le doigté et le sens du tempo du texan, ont en revanche des œuvres bien plus marquantes à offrir.

John Dawson Winter III (du nom de son huitième album) est ainsi l'incarnation même de la malédiction qui frappe des techniciens surdoués chez qui la virtuosité l'emporte sur le génie existentiel. Sans doute n'est-ce pas un hasard s'il est avant tout considéré comme un homme de reprises. De fait, malgré une carrière pléthorique qui a souvent tutoyé le succès, Winter n'est jamais totalement parvenu à honorer les espérances placées en lui.

Still Alive

Les choses avaient pourtant commencé très fort lorsque les maisons de disques prirent conscience en 1969 du potentiel du Texan, déjà à l'œuvre depuis une bonne dizaine d'années, seul ou avec son frère Edgar, lui aussi albinos. CBS emporta le morceau pour sortir son premier album Johnny Winter, mais une demie-douzaine d'autres maisons se jetèrent sur des enregistrements préalables de Winter pour les commercialiser dans la foulée. En pleine bourre, le diable blond fait Woodstock comme (à peu près) tout le monde et enchaîne les albums, contribue à poser quelques jalons du glam-rock.

D'autant que son élan est vite mis à mal par une sévère addiction à l'héroïne et des tendances suicidaires le poussant à raccrocher. Les come-back sont souvent réussis (Still Alive and Well en 1974, Captured Live en 1976) mais le train est passé. Dommage car, s'il a donné sur le tard dans le blues d'autoroute pour rétroviseur à fanfreluches de « monster trucks », dans ses grandes heures, mi-sorcière texane, mi-crotale prêt à bondir, Winter était un seigneur, son légendaire strabisme un clin d'oeil involontaire au séminal Crossroads de Robert Johnson, et son albinisme comme une manière de négatif du musicien noir qu'il est à l'intérieur.

En bon bluesman, à 69 ans, quasi aveugle, le flamboyant blondin jadis taillé comme un surin accuse 10 ans de plus que son âge véritable. Mais campé sur son siège comme ses idoles avant lui (Muddy Waters, BB King, John Lee Hooker), il est toujours capable de se faire saigner les doigts sur un solo infernal.

Johnny Winter, vendredi 5 avril à 20h30, à la Source (Fontaine)

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