Le triangle d'or Aufgang

Aufgang

La Bobine

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Deux pianos et une batterie, telle est l'équation miraculeuse du groupe Aufgang. Un trio multiculturel qui dépasse avec brio les limites de l'électro et du classique en inventant un langage sans commune mesure. Une richesse qui nous a donné envie d'échanger avec le groupe, histoire de tâter le terrain avant leur passage à la Bobine. Propos recueillis par Charlotte Haas

« On n'est que tous les deux, Francesco est à Barcelone. » C'est la fin d'après-midi, et au moment où on leur parle, Aymeric Westrich et Rami Khalifé sont à Paris à bord d'un taxi après avoir enchaîné dans la journée une série d'interviews pour différents médias. Mais qu'importe, les deux compères nous répondent avec entrain. Histoire de commencer sur de bonnes bases, on leur demande d'abord de présenter leur groupe. Rami : « Dans Aufgang, on est trois, deux jouent du piano [Rami Khalifé et Francesco Tristano] et un de la batterie [Aymeric Westich]. On utilise aussi beaucoup d'éléments extérieurs, ils nous aident à créer notre musique. »

Aymeric reprend sur le ton de la plaisanterie : « Sinon, dans la vie, on est des mecs sympas et de bons pères de famille. » Pour la petite histoire, Rami et Aymeric étaient ensemble dans le même collège et le même conservatoire (à Boulogne). Aymeric : « Ça remonte à 1994. Plus tard, une fois parti à New York pour rejoindre la Julliard School, Rami a rencontré Francesco. Puis j'ai rendu visite à Rami, plusieurs fois ... C'est comme ça qu'on s'est rencontrés. On a vécu tous les trois à New York, mais jamais ensemble. »

« Électro-classique »

Les trois amis ont été influencés par la vie new-yorkaise où ils avaient pris pour habitude de sortir. « On allait surtout au Vinyl [un club mythique qui a maintenant fermé ses portes – ndlr] assister aux "Be Yourself", les soirées de Danny Tenaglia [célèbre DJ et producteur de musique américain – ndlr]. » Pour le jazz, ils se rendaient au Blue Note ou au Village Vanguard. Ces sorties nocturnes leur ont permis de découvrir une multitude d'artistes différents. Rami : « On a des influences communes, mais on a aussi chacun les nôtres. Il y a des moments où j'écoute plus de l'électro et d'autres plus du classique. Parfois même du jazz ou des musiques ethniques. Pour les autres membres du groupe c'est pareil. Aucun de nous n'est figé dans une approche vraiment tranchée de ce qu'il écoute. C'est suivant l'humeur du moment, on a nos phases et elles évoluent. »

De cette variété d'écoutes, Aufgang a su façonner une musique extrêmement riche qui ne ressemble à aucune autre. C'est en s'affranchissant des codes que le groupe a su créer sa propre voix. « On fait une musique qui est dite électro-classique. Or ce ne sont que des étiquettes. Quand on écoute Aufgang, on entend quelque chose de différent. Il n'y a pas une manière de procéder chez Aufgang. On cherche avant tout à se diversifier afin de créer des ambiances particulières, on fonctionne aux antipodes de l'uniformisation. On essaie aussi de conserver une âme sans pour autant s'interdire de surprendre. C'est ce qu'on a fait avec l'apport des voix sur Istiklaliya [leur dernier album – ndlr]. C'est quelque chose d'inattendu, il n'y avait pas de voix sur l'album précédent. »

Liberté !

Aufgang, leur premier album sorti en 2009, les a directement imposés sur la scène internationale. « Beaucoup de gens pensaient qu'on allait rester dans notre formule pianos-batterie. Sur le nouveau, on a ajouté de nouveaux éléments à notre musique, et je ne sais pas comment on va procéder pour le prochain, mais à mon avis ce sera encore différent. » Le nom de l'album Istiklaliya, un mot arabe qui signifie « indépendance », rejoint toute la démarche du groupe. Rami a proposé le titre, qui a tout de suite plu au reste du groupe. « On trouvait que ça sonnait bien. Et puis la signification était forte. Ça nous a permis de nous plonger dans une atmosphère de travail particulière. Ça reflète vraiment notre musique. On est trois personnes indépendantes, on n'essaie pas de se mettre dans un moule ou dans une mode, on crée notre propre langage, et on essaie de le faire vivre au maximum. Je pense vraiment que notre musique est libre ».

Aufgang a procédé rapidement avec Istiklaliya, qui a demandé quelques mois au groupe pour le composer, quatre à cinq jours à l'enregistrer, et quelques mois encore pour la post-production. Rami : «On a été plus rapides car on avait l'expérience du premier album. Et puis on avait vraiment envie de faire quelque chose sans vraiment trop se poser de questions. » L'enregistrement de l'album s'est fait sur des magnétos à bandes, « pour deux raisons. Pour le côté spontané, car quand on enregistre sur des bandes, on ne peut pas revenir en arrière, on est obligés de prendre ce qui a été enregistré. Et puis aussi pour le son : on voulait quelque chose de plus chaud, de plus direct. »

« Un beau défi »

Surtout, à travers leur musique retro-futuriste, le groupe souhaite rendre le piano plus accessible. « On essaye de le remettre au goût du jour. C'est un beau défi que de faire vivre un instrument daté en le transportant dans des sphères qui lui sont inconnues. » Le trio cultive alors sa différence et poursuit toujours inlassablement sa quête d'un son déconnecté de tout ce qui peut exister dans le vaste paysage de la musique électronique. « On est dans une quête permanente vouée à la recherche de quelque chose de différent. Si c'était pour faire comme Justice ou Daft Punk, jouer la même chose que les autres, on ne comprendrait pas l'intérêt. Que notre musique suggère des influences c'est très bien, mais je ne pense pas que l'on puisse nous reprocher d'avoir copié qui que ce soit. C'est quelque chose pour lequel on se bat en tout cas. »

Aufgang, le 5 juin à 20h30, à la Bobine

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