Ilo Ilo

Ilo Ilo
D'Anthony Chen (Sing, 1h39) avec Yann Yann Yeo, Tianwen Chen...

Caméra d’or au dernier festival de Cannes, le premier film d’Anthony Chen raconte la relation compliquée entre un gamin turbulent et sa nounou venue des Philippines. Un film faussement gentillet qui en vérité ne cache rien de la sauvagerie économique qui règne à Singapour. Christophe Chabert

Ilo Ilo est de ces films qui savent masquer leur cruauté derrière une trompeuse façade de conte sucré. C’est tout le talent d’Anthony Chen et toute la réussite de son premier long. Sa ligne narrative est des plus balisées – à Singapour, un enfant gâté et plutôt tête à claques, Jiale, se voit confier à une nounou venue des Philippine, Teresa, qu’il va d’abord tyranniser, avant que les deux ne s’attachent l’un à l’autre – et pourrait relever de ces classiques du cinéma jeune public plein de bons sentiments. Sauf que…

Chen a choisi d’antidater son action au début des années 2000, c’est-à-dire quelques années après le début de la crise économique qui allait ternir définitivement le miracle asiatique et répandre chômage massif et récession sur des territoires autrefois regardés avec admiration par le monde entier. Le père de Jiale se retrouve au chômage – après une scène dont le gag final est à la fois burlesque et pathétique –, plonge dans la déprime, et l’argent du mélange commence à s’assécher.

La peinture que Chen fait de cette famille de parvenus, nouveaux bourgeois soudain confrontés à un retour de flamme financière, où c’est la mère qui tient les cordons de la bourse et porte la culotte, interdisant à son mari de fumer et regardant l’étrangère dans sa maison comme une voleuse potentielle, pose un voile de cruauté et de noirceur sur le récit.

La crise avec le sourire

Dans Ilo Ilo la crise est là, durablement mais presque imperceptible, et la mise en scène choisit non pas de la souligner mais au contraire de la fondre dans une élégante douceur. Même le suicide d’un homme qui se jette d’une tour ne fait pas événement. L’image est puissante, dure, mais le film semble la refouler quelque part dans son subconscient. À l’instar du sourire indéfectible de Teresa, modèle d’optimisme qui dissimule ainsi la raison de son arrivée à Singapour (elle est venue gagner l’argent nécessaire pour élever l’enfant qu’elle a abandonné), Ilo Ilo préfère l’humour au désespoir.

Du coup, lorsque Chen lâche les violons du mélodrame à la fin, on n’a même pas envie de crier au pathos, tant son film a su slalomer entre les écueils et imposer un ton juste. Un cinéaste à suivre, ce que le jury de la caméra d’or cannoise n’a pas manqué de souligner en lui attribuant son prix…

Ilo Ilo
D’Anthony Chen (Singapour, 1h39) avec Yann Yann Yeo, Tianwen Chen…

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