Les Rencontres-i, fabrique de grandes utopies

Robot !

Hexagone

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Début la semaine prochaine de la septième édition des Rencontres-i, biennale mixant habilement arts et sciences. Une aventure atypique, aventureuse et passionnante portée par l’Hexagone, la scène nationale de Meylan amenée à devenir un pôle national sur ces questions. De ça, et d’autres choses encore, on a longuement causé avec le directeur Antoine Conjard.

Les Rencontres-i, c’est donc une « biennale arts sciences »... Mais encore ?!
Antoine Conjard : Il s’agit de mixer arts et sciences au regard de quelque chose. Le triptyque est important : quand il y a une relation à deux, binaire, on est vite dans le ping-pong. En revanche, dès que l’on rajoute un troisième plan, une dynamique se met en route. C’est donc arts et sciences avec ce troisième côté qu’est la société, le territoire... Car ce n’est pas les artistes et les scientifiques dans leur bocal, c’est les artistes et les scientifiques sur le territoire.

Avec, au cœur du projet depuis 2002, l’idée de programmer des spectacles atypiques...
Les Rencontres, au départ, ont été faites pour présenter des projets artistiques qui sortent du cadre traditionnel, qui ne rentrent pas trop dans la boîte du théâtre et qui interrogent la relation arts et sciences. Mais on ne présente pas forcément des spectacles technologiques : je ne veux surtout pas que ce soit la seule image que l’on garde de cette relation. Par exemple, la compagnie Les Ateliers du spectacle utilise beaucoup de technique, avec plein d’objets sur le plateau, sans toute fois rester sur la technologie elle-même. Ces artistes se questionnent ainsi sur nos modes de pensée et la manière de faire fonctionner notre cerveau.

Depuis sa création, la biennale gagne en importance et en visibilité. L’idée doit évidemment être d’en faire un grand événement, à la manière par exemple de la Biennale de la danse de Lyon...
Le jour où l’on aura cette importance, on aura fait un vrai grand chemin ! Mais avec le conseil régional, on est dans cette perspective : on est une biennale de Rhône-Alpes, on se donne les moyens d’avoir une dimension populaire dans cette relation à la science qui peut être tout à fait ludique. On voit bien l’engouement que les gens ont pour Experimenta [salon ouvert au public qui a lieu à la Maison Minatec – ndlr], ou des spectacles comme celui de Blanca Li [Robot !, création chorégraphique avec des robots – ndlr].

Sauf qu’une biennale comme la vôtre doit sans doute demander plus de travail d’explication qu’une biennale de la danse, dont l’intitulé parle de lui-même...
On a toujours un travail d’éclaircissement à faire ! Car on cherche sans cesse, et ce n’est pas quand on cherche qu’on dit les choses les plus simples. En même temps, on arrive progressivement à avoir un angle d’approche lisible et compréhensible par tous. Quand on disait arts et sciences en 2002, les gens nous regardaient avec des gros yeux et ne comprenaient pas trop ce que ça voulait dire. Aujourd’hui, ce type d’initiative est partout, sur toute la planète. Il y a par exemple plus de 350 festivals dans le monde qui abordent ces questions.

Vous dirigez cette biennale, qui a été impulsée par l’Hexagone de Meylan, que vous dirigez aussi. Une scène nationale qui va très prochainement changer d’appellation...
Peut-être que l’on restera Hexagone scène nationale arts sciences, peut-être que l’on deviendra un centre national arts et sciences... En tout cas, ça démontre la volonté du Ministère de la culture de franchir une nouvelle étape avec nous...

Ce pôle arts sciences est une aventure atypique dans le paysage culturel français...
Oui, ça n’existe nulle part ailleurs. C’est d’ailleurs très clairement dit dans le préambule du document que l’on a rédigé pour défendre le projet : l’objectif, c’est de pouvoir partager cette expérience avec d’autres. Ce n’est donc pas de créer un nouveau label, mais de faire en sorte qu’il y ait une porte d’entrée pour le monde artistique et culturel dans le monde scientifique. Et que ça soit au service de l’activité de la société française. Le centre national va donc avoir des missions plus larges qu’une simple scène nationale, avec notamment un rôle de veille – comprendre ce qui est en train de se passer entre arts et sciences sur le territoire – et une dimension recherche.

Le CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives) est un des piliers de cette biennale, avec l’Atelier arts sciences hébergé en son sein. Une sorte de maison de cohabitation entre scientifiques et artistes...
C’est une porte d’entrée dans le monde scientifique pour les artistes, et vice versa. Les champs de la pensée humaine sont aujourd’hui tellement larges et bouleversés par la technologie que ça serait quand même dommage de se priver de ce type de relation.

À travers cet atelier, vous imaginez des spectacles, qui seront présentés pour la première fois pendant la biennale. Comment le travail se fait-il au sein de l’atelier ? Prenons l’exemple de Bionic Orchestra 2.0, création du beatboxer Ezra qui sera dévoilée à la Maison de la musique de Meylan...
Le travail commence par une exploration avec l’artiste et les scientifiques de ce que ces derniers sont capables d’offrir. Ou de ne pas offrir : il y a des technologies qui ne seront prêtes que dans dix ans, ce n’est donc pas la peine de commencer maintenant. Il faut aussi voir quelles sont les idées et les envies de l’artiste. Une fois ce travail de repérage effectué, on essaie de construire des hypothèses. Par exemple, avec Ezra, on imaginait qu’avec les ondes alpha du cerveau, on pourrait peut-être guider les ordinateurs pour modifier le son et la lumière. Bon, apparemment, ce n’est pas encore possible dans un espace où il y a du bruit et où l’artiste bouge beaucoup. Donc l’idée d’un gant est arrivée. Ensuite, il y a toute la phase de mise en œuvre du prototype, qui bien souvent devient la première pièce efficace. C’est plus qu’une maquette du coup ! C’est une phase qui prend du temps, et qui ne va pas aussi vite qu’on le voudrait : là, en ce moment, Ezra est sur les dents, parce que ça ne marche pas tout à fait comme ça devrait marcher compte tenu de l’échéance du spectacle et du rendez-vous avec le public !

Ezra a donc conçu un gant interactif avec les chercheurs grenoblois...
Ce qui est assez magique, c’est que l’on a les toutes dernières technologies du territoire grenoblois qui vont à la rencontre des vieilles technologies grenobloises – les deux siècles d’histoire de la ganterie. Jean Strazzeri, le gantier avec lequel on travaille, est ravi de cette nouvelle aventure ! Donc ce gant en cuir est truffé de nouvelles technologies, avec des contacteurs sur les phalanges qui permettent à Ezra de faire des loops – enregistrer des morceaux de son qu’il va rejouer et pouvoir mixer les uns avec les autres. De plus, sur le dessus du gant, il y a des capteurs qui permettent de piloter le niveau du son, la spatialisation... C’est un outil qui va servir dans le cadre du spectacle vivant, certes. Mais quand on est capable de piloter un ordinateur avec un gant, on peut s’en servir pour d’autres choses que le spectacle – pour des personnes handicapées, pour piloter une machine quelconque... Ce sera une autre partie du centre arts et sciences qui sera d’évaluer et de faciliter le transfert de technologie du monde du spectacle vers d’autres industries.

Pour finir : l’Hexagone est un théâtre important dans le paysage culturel grenoblois, que l’on a toujours connu pluridisciplinaire. Ce pas prononcé vers un nouveau statut augure-t-il d’un changement de cap concernant la programmation à l’année du lieu ?
L’objectif est de rester pluridisciplinaire, en accueillant du cirque, de la danse, du théâtre, des musiques... Mais cette pluridisciplinarité aura la couleur arts et sciences. Ça va être un gros travail d’éditorialisation. Je vais chercher des spectacles qui ont une actualité dans la pensée et dans l’activité scientifique et technologique. Mais quand on parle de spectacles arts et sciences, on ne parle pas que de spectacles technologiques. L’économie, ça fait partie des sciences humaines. L’ethnologie, l’histoire aussi par exemple... D’un coup, on voit que le champ est très large.

Les Rencontres-i, du jeudi 3 au dimanche 13 octobre, dans divers lieux. Plus d’infos sur la programmation dans nos prochaines éditions.

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