Prisoners

Prisoners
Prisoners
De Denis Villeneuve (ÉU, 2h32) avec Hugh Jackman, Jake Gyllenhaal...

Deux enfants kidnappés, un père prêt à tout pour les retrouver, un suspect tout trouvé, un détective tatoué et solitaire : les ingrédients d'un film noir très noir sur la contagion du mal signé Denis Villeneuve qui, après "Incendies", réussit haut la main ses débuts aux États-Unis.Christophe Chabert

Qu'y a-t-il dans les caves des honnêtes gens ? Des cadavres, des enfants martyrisés, mais aussi de la paranoïa sécuritaire et de la mauvaise conscience qui peut, à tout moment, refaire surface et transformer une grise mais paisible bourgade en succursale de l'enfer. Le labyrinthe de Prisoners – figure que le film utilise comme un motif de l'intrigue mais aussi comme modèle de narration – est sans issue, et c'est ce qui impressionne en premier lieu : Denis Villeneuve, pour ses débuts aux États-Unis, ne fait aucune concession rassurante au spectateur. Aidé par un scénario remarquable, il plonge aux confins de la noirceur humaine pour montrer comment le mal se propage et finit par tout gangrener.

C'est l'enlèvement de deux fillettes qui enclenche l'engrenage : le père de l'une d'entre elles – stupéfiant Hugh Jackman dans un de ses meilleurs rôles – se persuade que le coupable est un vieux garçon un peu attardé, malgré les dénégations du suspect et sa remise en liberté au terme de sa garde-à-vue. Il va donc le séquestrer et le torturer pour provoquer ses aveux. En parallèle, un flic désespérément solitaire et taciturne – Jake Gyllenhaal, empâté et tatoué, un peu au forcing dans un registre tourmenté – suit patiemment une autre piste, tentant de résister aux pressions qui l'entourent.

Les caves et le labyrinthe

Quelque part entre James Ellroy et Dennis Lehane, Prisoners retrouve la meilleure veine du genre noir en y ajoutant une dimension politique très troublante. Sans quitter des yeux son récit, prenant, émaillé de séquences dérangeantes et de morceaux de bravoure brillamment mis en scène, Villeneuve saisit quelque chose d'une corruption qui se généralise au fur et à mesure où l'émotion prend le pas sur la justice et la raison.

Personne, spectateur compris, ne sort indemne de cette descente au cœur des ténèbres, mais ce sont surtout les valeurs établies qui morflent le plus. À commencer par la religion, qui n'est ni un secours, ni un rempart ; au contraire, elle ne fait qu'attiser la violence alentour. Quant à la famille, d'abord idéalisée, elle finira par produire un envers monstrueux, déformé par le besoin de vengeance. Ainsi va Prisoners : ouvrir les caves des honnêtes gens, c'est aussi en respirer l'air putride, jusqu'à l'asphyxie.

Prisoners
De Denis Villeneuve (ÉU, 2h33) avec Hugh Jackman, Jake Gyllenhaal, Paul Dano...

à lire aussi

vous serez sans doute intéressé par...

Lundi 2 octobre 2017 Denis Villeneuve livre avec "Blade Runner 2049" une postérité plus pessimiste encore que le chef-d’œuvre de l'écrivain de science-fiction Philip K. Dick et du cinéaste Ridley Scott. Tombeau de l’humanité, son opéra de bruine...
Mardi 28 février 2017 Confirmation d’une tendance : les dérivations des X-Men surclassent les recombinaisons des Avengers. James Mangold le prouve à nouveau dans ce western crépusculaire poussant un Wolverine eastwoodien dans ses tranchants retranchements – au bout de...
Mardi 19 janvier 2016 De François Delisle (Can, 1h36) avec Sébastien Ricard, Fanny Mallette, Geneviève Bujold…
Mardi 1 septembre 2015 Cette rentrée 2015 ressemble à une conjonction astronomique exceptionnelle : naines, géantes, à période orbitale longue ou courte, toutes les planètes de la galaxie cinéma s’alignent en quelques semaines sur les écrans. Sortez vos télescopes !...
Jeudi 5 mars 2015 Déroute intégrale pour Neill Blomkamp avec ce blockbuster bas du front, au scénario incohérent et à la direction artistique indigente, où il semble parodier son style cyberpunk avec l’inconséquence d’une production Luc Besson. Christophe Chabert
Mercredi 20 août 2014 Tournée dans la foulée de "Prisoners" avec le même Jake Gyllenhaal, cette adaptation de José Saramago par Denis Villeneuve fascine et intrigue, même si sa mise en scène atmosphérique se confond avec une lenteur appuyée. Christophe Chabert
Samedi 17 mai 2014 "Captives" d’Atom Egoyan (sortie le 1er octobre). "Relatos salvajes" de Damian Szifron (sortie le 17 septembre). "Mr Turner" de Mike Leigh (date de sortie non communiquée). "Winter sleep" de Nuri Bilge Ceylan (sortie le 13 août).
Mardi 20 mai 2014 Pour son retour à la mythologie X-Men, Bryan Singer signe un blockbuster stimulant visuellement, intellectuellement et politiquement, où il se plaît à courber l’espace et le temps, dans sa narration comme dans la chair de ses plans. Christophe...
Mercredi 15 janvier 2014 Après "Hunger" et "Shame", Steve McQueen adapte l’histoire vraie de Solomon Northup, homme libre devenu esclave, mais hésite entre grande forme hollywoodienne et effets de signature, entre son héros au parcours édifiant et l’esclavagiste fascinant...

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X