Grégory Signoret (Rocktambule) : « Ce format de festival ne fonctionne plus »

À une semaine de son démarrage, la billetterie en berne et la mort dans l'âme, Rocktambule a rendu les armes d'une 19e édition qui courait à la catastrophe, de problèmes économiques en annulation de têtes d'affiche. Le directeur du Pôle Musical d'Innovation, Grégory Signoret, en charge de l'organisation du festival, s'explique sur cette série noire et les moyens d'en sortir. Propos recueillis par Stéphane Duchêne

Quel a été l'élément déclencheur de la décision d'annuler Rocktambule, à une semaine du festival ?
Grégory Signoret : Quand nous avons appris que le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, qui nous aidait depuis des années, ne le ferait pas cette année. C'était l'un des derniers à nous répondre qu'il ne nous donnerait rien, puisqu'on s'est fait lâcher par toutes les sociétés civiles. Or, c'est mathématique, au fur et à mesure que nous recevions des réponses négatives des subventionneurs, la jauge de public à atteindre pour parvenir à l'équilibre financier augmentait. Avec un tarif aux alentours de 22 euros, le point d'équilibre était à 11 000 spectateurs ! À une semaine du festival, on était à moins de 1000 billets vendus, contre 5000 habituellement, sachant d'expérience que la dernière semaine on double les le chiffre des préventes. Mais même dans ce cas, il manquait toujours près de 9000 entrées...

L'annulation de têtes d'affiche comme le Wu Tang vous a-t-elle beaucoup handicapés ?
Complètement, parce que les remplacer par une tête d'affiche hip-hop internationale de même rang était impossible. On a lancé des pistes, mais dans nos budgets, c'était injouable. On a réussi à se positionner sur Assassin, sauf qu'en termes de billetterie ça n'a pas du tout répondu.

Comment expliquer un tel effondrement de la billetterie ?
La conjoncture commence à frapper au carreau de notre modèle de festival. Aujourd'hui le public dépense difficilement 20 euros pour de la découverte ou des têtes d'affiche milieu de tableau. Il mettra plus facilement 100 euros pour un artiste dont il est fan ou à la rigueur, pour de la découverte, 8-10 euros. Au-delà, il va trouver ça cher. Cela pose la question globale, conjoncturelle et structurelle, de la diffusion des nouveaux artistes. Car c'est aussi au public de choisir quel type d'événement il souhaite soutenir, on ne peut pas toujours ne jeter la pierre qu'aux politiques et aux subventionneurs.

N'est-ce pas un peu paradoxal d'affirmer que c'est au public de savoir ce qu'il veut et de déplorer qu'il aille voir ses artistes favoris au détriment de la découverte, que par définition il ne connaît pas ou peu ?
Non, pour moi ce paradoxe n'existe pas. Parce qu'au-delà de l'offre artistique qu'on pense être de qualité, il y a tous nos projets transversaux sur la valorisation locale ; la prévention et l'information en lien avec le planning familial ou d'autres structures ou assos ; l'accès aux personnes en situation de handicap sur le festival avec de l'accueil langue des signes etc. Toutes cela fait partie de l'événement. On veut affirmer que le mode culturel de diffusion de musique amplifiée dans le cadre d'un festival ce n'est pas que de la programmation et on n'est pas les seuls dans ce cas...

De plus en plus de festivals adhèrent en effet à cette conception. Mais aussi noble et louable ces initiatives soient-elle, on peut aussi comprendre qu'elles ne soient pas vraiment comprises par la majeure partie du public. Que ce soit par manque d'intérêt ou d'information...
C'est un projet citoyen qui doit tous nous toucher. Toute la question est de savoir si on veut être dans une démarche d'éducation du public, qu'il prenne part à un projet ou qu'il soit juste consommateur d'un bien culturel sur le mode : il paye sa place, il vient, il regarde, il part... Mais on n'a pas la puissance de feu suffisante, notamment en terme de communication, pour faire part correctement de tous nos projets annexes.

En général, dans votre situation, les acteurs culturels et associations pointent davantage du doigt les manquements des collectivités...
Bien sûr, comme partout, les collectivités territoriales ont baissé leurs subventions mais finalement pas tant que ça. Ce qui est sûr, c'est qu'elles ne donnent pas assez mais dans le culturel et particulièrement sur les musiques amplifiés on a l'habitude (rires). On sait que ça n'ira pas en augmentant même si on pense que les choix politiques et les fléchages de subventions devraient être davantage en lien avec les pratiques des Français. Mais c'est comme ça. À nous de réinventer le truc.

Comment ?
On cherche, et on commence à trouver de nouveaux modes de financement sur du partenariat et du mécénat d'entreprises. Au-delà, on se rend compte que ce format de festival ne fonctionne plus. Les Authentiks [à Vienne] ne se sont pas faits, Woodstower [près de Lyon] s'est ramassé, les Rencontres Brel et Hadra aussi... On est trop petit pour aller chercher d'énormes têtes d'affiche sans passer le billet à 60 ou 80 euros, et on est trop gros pour des concerts découverte à 8-10 euros. C'est une piste de réflexion commune à plusieurs festivals en Rhône-Alpes.

Rocktambule dépend du Pôle Musical d'Innovation. Le PMI est-il en péril ?
Pour être honnête, on se fait de très gros cheveux blancs. On a fait le choix d'annuler Rocktambule une semaine avant que la grosse machine de production soit lancée. Mais comme le festival se construit à l'année, les frais déjà engagés (salaires, communication...) sont perdus. Cet argent, il va falloir le trouver avant le mois de décembre. En plus d'éventuels mécènes, on va retourner voir les élus en leur demandant un coup de pouce pour boucler l'année et peut-être fêter l'an prochain les 20 ans de Rocktambule. On va aussi monter au créneau auprès des différents partenaires, salles de l'agglo, artistes, pour des soirées de soutien. On est fragile mais on va tout mettre en œuvre pour que ça passe, repenser le projet et en profiter pour lui donner une nouvelle dynamique.

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