On continue cette semaine notre rétrospective "20 ans de PB, 20 ans de ciné" en se téléportant en 1996, mais surtout en rendant hommage à un tandem de cinéastes régulièrement loués dans nos colonnes : Joel et Ethan Coen. Fargo leur permet de revenir sur leurs terres natales, le Minnesota froid et enneigé, où un fait divers sordide se transforme devant leur caméra en tragédie de la bêtise et de la cupidité. Jerry Lundegaard (William H. Macy), médiocre vendeur de voitures, paie deux tueurs dégénérés, l'un (Steve Buscemi) volubile et agité, l'autre (Peter Stormare) peu loquace et impassible, pour enlever sa propre femme et demander une rançon à son beau-père blindé mais radin. Bien sûr, le plan tourne au cauchemar et seule une femme flic enceinte (Frances McDormand) tente de résister à cette spirale de violence.
Le génie des Coen éclate à tous les étages de Fargo : le dialogue, vertigineux, la construction scénaristique, particulièrement audacieuse avec ses digressions imprévisibles – notamment via un personnage de Japonais dépressif et mythomane – et bien sûr la mise en scène, fabuleuse. En pleine symbiose avec leur chef opérateur Roger Deakins, les Coen tournent un des premiers films noirs en blanc sur blanc, avec quelques tâches de rouge (sang) au milieu. Inoubliable séquence que celle où Buscemi enterre le magot dans un champ recouvert de neige, avant de se rendre compte que le paysage est désespérément lisse et monotone, l'obligeant ainsi à planter un petit bâton dérisoire en guise de repère...
L'absurdité du monde, le rêve américain rendu à sa plus piteuse expression, l'impuissance des hommes de loi face à la gangrène de l'argent : tous les grands films ultérieurs des Coen sont déjà dans Fargo.
Christophe Chabert
Fargo
De Joel et Ethan Coen (1996, ÉU, 1h38) avec William H. Macy, Steve Buscemi, Frances McDormand...
Lundi 16 décembre à 20h30, au Club