L'Histoire au présent

Automne 43

Musée de la Résistance et de la Déportation

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Alors que l’on commémore le centenaire du début de la Première Guerre mondiale et les 70 ans de la Libération de Grenoble lors de la Seconde, le Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère fête ses 20 ans d’existence sous sa forme actuelle - le musée en lui-même a été créé en 1966. Rencontre avec Olivier Cogne, directeur du musée. Propos recueillis par Dimitri Crozet

Automne 1943. Une vague de répression touche la Résistance à Grenoble. L’exposition temporaire Automne 43 qui se tient jusqu’au 19 mai 2014 ramène dans l’ambiance de l’époque, archives et témoignages à l’appui. Avec un mot d’ordre, rappelé par Olivier Cogne, directeur du musée : « Nous sommes là pour donner du sens à ce qu'il s’est passé il y a 70 ans et le mettre au prisme du présent. » Dans cette optique un mur, à la fin de l’exposition, permet aux visiteurs de laisser leur sentiment sur ce que représente pour eux cette période. « On a voulu mettre à contribution les visiteurs sur cette question : pourquoi et comment commémorer 70 ans après ? Comment chacun peut contribuer à sa façon à entretenir la mémoire et les valeurs de la Résistance ? »

C’est bien de valeurs, autant que d’Histoire, dont il est question pour le musée, Maison des Droits de l’Homme depuis 2001. Olivier Cogne défend une volonté de laisser s’exprimer à travers des sujets actuels des points de vue issus d’associations : « Nous revendiquons une filiation avec la société civile. Il n’y a pas un projet qui a été bâti dans ce musée sans travailler avec des associations du monde combattant, du monde résistant, de déportés mais aussi des associations qui luttent pour les Droits de l’Homme. »

Une démarche militante

Cette démarche militante ne se dément pas au fil des expositions. En 2012, celle intitulée Obligation de Quitter le Territoire Français donnait la parole à des sans-papiers. « Ce qui était d’autant plus intéressant avec ce projet c’est que des liens étaient établis entre la période de la guerre et aujourd’hui – avec toutes les proportions qu’il convient de respecter. C’est intéressant d’aborder ces questions, tout en disant qu’il s’agit d’une expression militante mais qu’elle mérite d’avoir une place pour s’exprimer. » Au risque d’instrumentaliser la mémoire de la Résistance ? « C’est un reproche qu’on nous a fait à demi-mot », admet Olivier Cogne. « Tout le monde ne partage pas notre vision, y compris des résistants qui considèrent que leur résistance s’arrête à 1945. » Actualiser la mémoire lui semble cependant d’autant plus nécessaire en observant certains faits : « Combien de résistants ont donné leur nom à des rues ou stations de tram, mais sont pour autant inconnus pour leur action dans la Résistance ? »

Les débats, eux, tendent à s’apaiser avec le temps, note-t-il, notamment parce que les témoins directs des évènements se font rares. Le risque est alors de voir s’éteindre la mémoire, et avec elle l’intérêt pour les expositions et activités du musée. Ce que combat Olivier Cogne, qui défend le rôle et l’approche de son musée : « Souvent la population connaît les musées par le prisme des Beaux-Arts, qui est une approche très différente de la nôtre. Nos travaux consistent à défendre des valeurs intemporelles : le respect de la dignité humaine, les valeurs de la solidarité, pour employer des grands mots un peu négligés aujourd’hui. Certaines expositions ont pu susciter le débat chez nos collègues. » Ces débats, le directeur du musée ne s’en inquiète pas ; il s’en réjouit même : « Mais ce serait désastreux s’il n’y avait plus de débats autour de ce que nous faisons ! S’il y a toujours un consensus, ça n’a pas d’intérêt. »

Entretenir ces débats, c’est aussi entretenir le dynamisme du musée, tout en conservant la rigueur nécessaire. « Une scénographie, même si elle est bien faite, doit s’appuyer sur des documents d’archive, on ne peut se contenter d’ambiances, d’atmosphères. » Travaux d’universitaires, témoignages, collecte d’objets, forment le matériau de base, avec bientôt l’ajout de techniques numériques. « On a aussi la chance d’avoir des équipes départementales qui construisent les cloisons, les panneaux… »

Un musée en mouvement, comme l’Histoire

Quid de l’avenir du musée alors qu’en 2016 il fêtera ses 50 automnes ? Créé en 1966 rue Jean-Jacques Rousseau par Henri Guillard et Pierre Dubois, un enseignant et un inspecteur d’académie,  « avec la perspective de s’adresser aux jeunes générations », le musée qui a déménagé en 1994 se transforme en même temps que l’Histoire dont l’écriture est sans cesse actualisée. Olivier Cogne se refuse d’ailleurs à parler d’exposition "permanente", parce qu’elle est sans cesse actualisée, et préfère l’expression "exposition longue durée". « L’historiographie est de plus en plus précise, ce musée est aussi le reflet de l’évolution des travaux des historiens. Par exemple, l’histoire de la répression des juifs dans ce département était relativement passée sous silence il y a 20 ans et a aujourd’hui une place assez importante. »

En dehors des murs du 14 rue Hébert, le musée bouge aussi. « Depuis quelques années on propose des films, documentaires ou de fiction, aussi du spectacle vivant, du concert, des lectures », liste Alice Buffet, chargée de la communication et de la méditation culturelle. Ainsi qu’une programmation estivale avec entre autres des projections de films en plein air (Inglourious Basterds en 2013). Cet été, la programmation aura pour thème les 70 ans de la Libération de la ville. Les thématiques restent, les formes évoluent.

En ce qui concerne l’avenir proche, deux expositions à venir qui collent, pour le coup, au calendrier. L’une au mois de juin, centrée sur les maquis du Vercors, qui s’appuiera notamment sur des archives allemandes. L’autre, au mois de novembre – « le 11, vraisemblablement, histoire de coller vraiment aux commémorations » précise Olivier Cogne – portera sur les soldats isérois engagés sur le front pendant la Première Guerre mondiale.

Impossible donc de faire fi des commémorations. Le musée de la Résistance et de la Déportation tente au moins de ne pas en faire des anniversaires dénués de sens pour le grand public. « Il faut pouvoir sortir du cercle restreint des commémorations et intéresser plus largement la population, car cette période de l’histoire intéresse tout le monde et elle est fondamentale dans la construction de notre République. C’est ce qu’on essaie de défendre. »

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