Dans son excellent ouvrage consacré aux cinéastes hollywoodiens contemporains (Le Temps des mutants, chez Rouge Profond), Pierre Berthomieu livre une des premières analyses sérieuses consacrées à Robert Zemeckis, pointant toute la dimension novatrice de son cinéma. Point d'orgue logique de sa démonstration fondée sur les corps mutants et la volonté de créer des images défiant les logiques réalistes classiques, La Mort vous va si bien fait en effet figure de théorie de la pratique dans l'œuvre de Zemeckis.
On y voit une gloire déclinante de Broadway (Meryl Streep, en pleine autoparodie) mariée à un chirurgien esthétique (Bruce Willis, moustachu avant la mode) qu'elle a "dérobé" à son ancienne copine d'école obèse (Goldie Hawn). Mais celle-ci réussit à se débarrasser de ses kilos superflus grâce à un filtre d'immortalité et à récupérer son ancien amour. La vengeance de la star ne se fera pas attendre, mais elle se traduira par un hallucinant ballet macabre où les corps, qui ne craignent plus la mort, vont se retrouver tordus, perforés, écrasés, équivalents humains des toons de Roger Rabbit. Zemeckis pousse ainsi à son extrême ses recherches sur une chair obéissant à des règles purement cinématographiques, signe avant-coureur de ce qui le conduira à développer ensuite la technique de la motion capture.
Mais des détournements d'archive de Forrest Gump à l'étonnante ouverture cosmico-intime de son magnifique et méconnu Contact, le réalisateur ne fera que prolonger le geste burlesque de La Mort vous va si bien, en créant des personnages qui défient toute logique et créent leurs propres espace-temps.
Christophe Chabert
La Mort vous va si bien, lundi 20 janvier à 20h, à Eve (campus)