Le 29 janvier 1994 était inauguré le flambant neuf Musée de Grenoble. Pour célébrer cet anniversaire, quatre jours de gratuité et d'animations sont organisés. Mais avant de se (re)plonger dans l'une des plus impressionnantes collections d'œuvres d'art en Europe, on est allés poser quelques questions à Guy Tosatto, actuel directeur des lieux. Propos recueillis par Aurélien Martinez
Le Musée de Grenoble a vingt ans. Enfin, le bâtiment actuel, puisque le musée, lui, date de 1798. Mais plus qu'un changement de maison (au revoir la place de Verdun et ce que l'on appelle aujourd'hui l'Ancien Musée de peinture), ce déménagement a surtout été synonyme de « cap » comme l'explique Guy Tosatto, directeur des lieux depuis 2002. « Ça a représenté un bond en avant dans la présentation des collections. »
Le nouvel espace, trois fois plus important que l'ancien (18 000 mètres carrés), a permis de sortir bon nombre d'œuvres des réserves. « Aujourd'hui, tous les chefs-d'œuvre sont bien là pour ce qui est de l'art ancien et de l'art moderne [Rubens, Courbet, Renoir, Matisse... – ndlr]. Pour l'art contemporain, c'est plus discutable, car la notion de chef-d'œuvre évolue avec le temps. » Dans ce domaine, quelque 900 pièces sont exposées, avec un système de rotation. Ce qui est tout de même insuffisant aux yeux du directeur, qui aimerait à l'avenir disposer d'une nouvelle aile uniquement consacrée au XXIe siècle. Mais on n'en est pas encore là...
« Tout en un »
Revenons-en plutôt aux origines. Dans les années 1980, l'idée d'un déménagement du Musée de Grenoble est actée. Les travaux de construction du nouvel édifice sont lancés en 1990, près du quartier Notre-Dame. C'est le cabinet d'architecture grenoblois Groupe 6 qui réalise ce qui deviendra « un bâtiment emblématique dans le paysage culturel grenoblois » dixit Guy Tosatto. Lignes claires, grands espaces ouverts sur l'extérieur, salles d'exposition lumineuses ; mais aussi de nombreux à-côtés indispensables à un musée moderne (une bibliothèque, une librairie, un auditorium, un restaurant...) : l'ensemble est inauguré en janvier 1994 par le Premier ministre Édouard Balladur. Normal, l'ambition est grande.
Une sorte de musée parfait, vitrine grandiose de l'histoire de l'art. Guy Tosatto : « C'est une spécificité grenobloise. À Lyon par exemple, les collections sont scindées en plusieurs musées : celui des Beaux-Arts, celui d'art contemporain... À Grenoble, on a tout en un, depuis les antiquités égyptiennes jusqu'à l'art de nos jours ! Du coup, compte tenu de ses collections, aussi bien en art ancien que – surtout – en art moderne et contemporain, c'est un musée important. Déjà à l'échelle française, pour l'art moderne, c'est le deuxième après le Centre Pompidou (Paris). Et quand on dit que pour l'art moderne, le Centre Pompidou est le deuxième plus riche musée du monde, on peut se dire très simplement qu'à l'échelle européenne, le Musée de Grenoble occupe une place conséquente. »
Une place que l'on doit notamment à André Farcy, emblématique conservateur entre 1919 et 1949 qui plaça vaillamment Grenoble sur la carte de l'art moderne. Une place depuis fièrement défendue par tous ses successeurs, notamment grâce à une politique d'acquisition permettant « de conforter certains points forts et de combler certaines lacunes » selon Guy Tosatto. Ainsi, le Musée a récemment acheté un Picasso, mais aussi des œuvres d'artistes moins stars. « Quand vous achetez un artiste d'une trentaine d'années, comme Duncan Wylie, c'est un pari. »
« Haut niveau »
Mais plus encore que par une collection, un musée rayonne par ses expositions temporaires, qui le placent (ou non) sous les feux de la rampe. De ce côté-là, le Musée a souvent brillé avec des projets forcément sources de visibilité (plus de 140 000 visiteurs pour l'expo Chagall en 2011 par exemple – un record), tout en consacrant aussi des expositions à des artistes moins connus du grand public (Wolfgang Laib, Gerhard Richter, Alex Katz, Stephan Balkenhol...). « Il y a vraiment l'idée d'avoir des projets fédérateurs, où l'on touche presque tous les publics – comme Giacometti, Chagall... Et puis il y a cette volonté d'avoir aussi une programmation de haut niveau dans le domaine de l'art contemporain, qui dans la mesure du possible ne répète pas ce que font les autres, et qui tienne compte aussi de la programmation du Magasin [le Centre national d'art contemporain de Grenoble, qui lui n'a pas de collections permanentes mais organise une série d'expositions temporaires – ndlr]. C'est un équilibre que l'on essaie de trouver, en incluant enfin quelques retours en arrière, comme l'exposition sur les dessins que nous aurons au printemps. »
Aujourd'hui, plus d'une soixantaine de personnes travaille au sein de la ruche Musée de Grenoble (à l'administration, à la communication, au service des relations publiques...), dont trois conservatrices qui épaulent Guy Tosatto. Avec l'idée de maintenir ce niveau d'excellence tout en essayant de « faire connaître à tous le Musée de Grenoble » (comme avec la politique d'expositions hors les murs dans divers quartiers grenoblois par exemple). Le plus difficile à voir est ce que l'on a sous les yeux paraît-il. C'est bien dommage, car le Musée de Grenoble est un véritable joyau, et tout le monde devrait le savoir !
Entrée gratuite au Musée de Grenoble du jeudi 30 janvier au dimanche 2 février. Programme complet des animations en page 15.
Retrouvez en ligne notre dossier sur seize œuvres phares des collections du musée, et sur l'exposition Sigmar Polke en place jusqu'au 2 février