Mélodie Richard : l'actrice

Les revenants

MC2

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Théâtre / portrait / Depuis trois ans, Mélodie Richard enchaîne les expériences prestigieuses, tant au théâtre qu’au cinéma. À l’affiche cette semaine des "Revenants", la dernière pièce du metteur en scène Thomas Ostermeier, elle apparaît une nouvelle fois comme l’une des comédiennes les plus passionnantes de sa génération, promise à une belle carrière. Ça valait bien un portrait.

Fin du printemps 2011. Un spectacle, créé au Théâtre de Vidy à Lausanne (et présenté en 2012 à la MC2), commence à faire parler de lui. Il s’agit de Salle d’attente du metteur en scène polonais Krystian Lupa, sur un texte fort du Suédois Lars Norén centré sur plusieurs figures en errance sociale. Une pièce montée avec des jeunes diplômés de grandes écoles de théâtre francophones qui permet au public de découvrir celle qui se retrouve en une, cette semaine, du Petit Bulletin : la comédienne Mélodie Richard.

Sa présence, à la fois magnétique et vaporeuse, nimbe la création d’un mystère captivant, notamment grâce à un costume rouge vif (photo) qui la démarque du groupe. Surtout, quand certains de ses camarades de jeu forcent le trait pour rendre crédible leurs personnages de marginaux, elle incarne littéralement cette poétesse lunaire, sans en rajouter. Un rôle décisif qui lui permet ensuite de croiser d’autres metteurs en scène de renom comme Thomas Osteirmeier ou Christophe Honoré. Mais remontons d’abord le fil de l’histoire...

« Des jeunes filles un peu gourdes »

C’est il y a tout juste trente ans que Mélodie Richard voit le jour, à Dijon. Durant son enfance, le théâtre n’est pas un but en soi. « Je n’avais pas vraiment prévu de devenir comédienne. Je voulais plutôt faire de grandes études littéraires. J’étais bonne élève, à l’école tout se passait bien... Jusqu’à l’année du bac où j’ai arrêté de travailler ! Je ne rendais plus les devoirs... C’était alors impossible pour moi de présenter les grandes écoles, les prépas. À l’époque, je suivais un atelier théâtre au lycée, j’adorais ça. J’ai finalement annoncé à mes parents [une mère prof d’anglais, un père qui retape des maisons – NDLR] que je ferai du théâtre, ce qui voulait aussi dire que je ne pourrais pas suivre les grandes études prévues ! » Surprise des parents, forcément. « Puis ils sont venus voir les ateliers, et ils ont dit d’accord ! »

Sauf qu’une simple envie tardive n’ouvre pas automatiquement toutes les portes... Mélodie Richard monte donc à Paris pour suivre un cours de théâtre privé tout en continuant en parallèle le circuit classique et rassurant de la fac – en histoire de l’art. Mais le théâtre demande de plus en plus de temps. Surtout que les propositions affluent... « À partir de là, j’ai commencé un peu par hasard à être lancée dans un circuit théâtre de boulevard. C’était marrant au début, puis après plus du tout ! » Les rôles qu’on lui propose ? « Des jeunes filles un peu gourdes dans des productions contemporaines jouées au Point Virgule, au Splendid... » Surprenant d’imaginer ce passé quand on parle avec elle aujourd’hui. Une expérience en dents de scie qui sert de révélation. « Il y avait une sorte de fascisme du rire, avec une pression énorme : celle de faire rire sur toutes tes répliques. »

Direction Avignon

Changement de route. En 2008, elle intègre finalement le très prestigieux Conservatoire d’art dramatique de Paris. Le virage est total. Elle rencontre de nombreux metteurs en scène pendant sa formation qui l’initient à un autre théâtre. Trois ans pendant lesquels elle développe son jeu. Résultat : à peine sortie du conservatoire, elle décroche un rôle dans un spectacle de Krystian Lupa, celui évoqué plus haut. Un Lupa qui la rappellera même pour Perturbation, sa dernière création en date (inédite à Grenoble). Mais ça, c’est bien après.

Entre temps, il y a eu la première aventure au Festival d’Avignon, au sein d’une équipe grandiose : celle qu’a montée le metteur en scène et cinéaste Christophe Honoré pour travailler autour de l’époque dite du Nouveau roman (un mouvement littéraire du XXe siècle, regroupant des écrivains appartenant principalement aux Éditions de Minuit). Sur scène, Mélodie Richard partage l’affiche avec des noms importants du théâtre et du cinéma comme Ludivine Sagnier, Anaïs Demoustier, Brigitte Catillon, Annie Mercier...

Une aventure qui a dû être intimidante ? « Tout dépend du metteur en scène, de l’équipe. C’était très joyeux, très léger avec Christophe Honoré. On est allés à Avignon dans cet esprit-là ! » Et camper une personne vivante (Catherine Robbe-Grillet, femme de l’auteur Alain Robbe-Grillet, le pape du Nouveau roman) n’a pas été effrayant ? « Un soir, à Avignon, elle est venue voir la pièce. À un moment, pendant la représentation, elle s’est levée et a dit, avec beaucoup d’humour : "Bonjour, je suis Catherine Robbe-Grillet, tout est vrai mais je ne reconnais rien." Il y a eu un moment de trouble entre elle et moi, c’était super beau. Depuis, on est restées en contact. »

« Le cinéma va l’adorer »

Une nouvelle collaboration qui, comme avec Lupa, aura une suite : Mélodie Richard vient de terminer le tournage du nouveau film de Christophe Honoré, actuellement en mixage (la date de sortie est encore inconnue). Il s’agit de Métamorphoses, adaptation contemporaine du long poème d’Ovide, dans lequel elle interprète Junon. « Je ne sais pas ce que ça va donner, je n’ai encore rien vu. Mais c’était très agréable de jouer des dieux, on se demande pourquoi il nous a choisis... »

Posons directement la question à Christophe Honoré... « Mélodie, il y a d'abord sa voix, ou plutôt son débit. La force de Mélodie est son tempo absolument inédit, elle cadence les phrases d'une manière à la fois inattendue et très claire. Ensuite, il y a son visage. Trop de blanc dans sa peau. Elle joue au théâtre mais le cinéma va l’adorer, elle est un réflecteur de lumière. Elle baigne dans le blanc. Et comme elle est grande, son visage nous oblige à lever la tête. Cadence et visage : ce sont ses deux atouts maîtres. »

« Elle est complètement dingue »

« J'ai voulu travailler avec Mélodie Richard parce qu'elle est complètement dingue. Elle ne connaît pas la nervosité et a un caractère très particulier et unique, différent de tout ce qui est normal, moyen, médiocre. » Là, c’est Thomas Osteirmeier qui parle, l’un des grands du théâtre européen. Pour sa première pièce en français, l’Allemand a été séduit par la comédienne, qui donne notamment la réplique à Valérie Dréville (comme dans le dernier Lupa : tout se tient). Un duo qui s’est trouvé, Mélodie Richard ayant de nombreux points communs dans le jeu avec son aînée. « Travailler avec Valérie Dréville, c’est assez fou. C’est un modèle d’adolescence. Quand je faisais cet atelier au lycée, je me passais en boucle le Phèdre de Luc Bondy dans lequel elle jouait – je ne sais pas si elle le sait d’ailleurs ! »

Au jeu des filiations, on peut aussi voir Mélodie Richard comme un croisement entre une Isabelle Huppert (pour la force et la personnalité du jeu), une Vanessa Paradis (pour le côté aérien, presque éthéré) et une Judith Henry (pour la ressemblance troublante). Trois stars au sens noble du terme, trois artistes brillantes et mystérieuses, comme semble l’être Mélodie Richard.

En attendant, après avoir travaillé avec tant de grands noms (on peut aussi rajouter Abdellatif Kechiche, grâce à son tout petit rôle dans Vénus noire – « huit jours de tournage, une sacrée expérience »), elle assure n’avoir pas de plan de carrière en tête. Tout juste admet-elle quelques envies (« après avoir côtoyé des maîtres, j’aimerais rencontrer des metteurs en scène de ma génération »), en s’empressant de rajouter « que de toute façon, il n’y a pas que le théâtre et le cinéma dans la vie ». Oui, il y a aussi la botanique. « J’adore ça. Dès que je suis en tournée, dans une nouvelle ville, je file au jardin botanique. »

Il y a des artistes qui s’inventent un personnage, sans doute pour se donner une contenance. Et puis il y a ceux que l’on sent sincères, même si très originaux – le coup de la botanique, on ne l’avait pas vu venir ! Mélodie Richard est de ceux-là, on en est certains. Et tout le monde va vite s’en rendre compte.

(le clip d'Agoria qu'elle a tourné en 2006)

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