La Femme du ferrailleur

La Femme du ferrailleur
De Danis Tanovic (Bos-Fr, 1h15) avec Senada Alimanovic, Nazif Mujic, Sandra Mujic...

Au fin fond de la Bosnie, Danis Tanovic, le réalisateur de "No man’s land", filme une fiction avec un maximum de documentaire dedans, et s’extirpe du misérabilisme de son contexte et des schémas parfois grossiers de son scénario par l’efficacité de sa mise en scène. Christophe Chabert

Un petit village enneigé au fin fond de la Bosnie. Nazif est ferrailleur, ce qui lui rapporte quelques maigres marks, tout juste suffisants pour nourrir ses deux enfants et sa femme Senada au physique fellinien. Elle est enceinte pour la troisième fois, mais la grossesse se passe mal et elle doit se faire opérer en urgence après une fausse-couche. Sauf que Nazif n’a pas d’assurance-maladie et que l’opération coûte un bras…

C’est d’abord une surprise de retrouver Danis Tanovic, le cinéaste précis et élégant de No man’s land, aux commandes d’un film qui exhibe ostensiblement son caractère rugueux et mal dégrossi. L’image est brute, les cadres vacillants et les personnages comme le décor soulignent en permanence le réalisme du contexte. Sans parler du sujet, qui fustige les inégalités à l’œuvre dans la société bosniaque d’après-guerre – Nazif a passé quatre ans à se battre contre les Serbes « dans les tranchées », mais n’y a gagné que des souvenirs traumatiques. C’est d’ailleurs le projet du film tout entier : construire une fiction avec d’énormes pans de réalité documentaire, les acteurs étant au plus proche de ce qu’ils sont dans la vie.

Au bout du world

Le world cinéma est aujourd’hui farci de ce genre de tentatives et, comme par hasard, elles penchent toujours du côté du misérabilisme selon l’équation "filmage pauvre = film sur la pauvreté". La Femme du ferrailleur a un autre défaut : l’accumulation de tuiles qui tombent sur la tête de son héros – sa bagnole en rade, l’électricité coupée dans sa maison, le prix des médicaments… Le scénario ne s’interdit aucune péripétie, prenant le risque de sombrer dans le démonstratif, le tout sur le dos de ses personnages.

Mais Tanovic a suffisamment de métier pour prendre de vitesse ces objections-là. C’est en effet la vitesse qui est le carburant de la mise en scène et surtout du montage. Tanovic a un sens du cut et de l’efficacité qui lui permet d’être toujours dans l’action, que ce soit la confection d’une pâte à pain ou le désossage d’une voiture. Le film ne retient que la moelle des plans et cherche une forme d’urgence pour raconter son histoire. Les quelques à-côtés contemplatifs n’en sont que plus saisissants : une route entourée de centrales nucléaires fumantes ou de brèves images sur la ville de Tuzla, d’un coup plus exotique que le village dans lequel croupissent les protagonistes.

La Femme du ferrailleur
De Danis Tanovic (Bosnie-Slovénie-Fr, 1h15) avec Nazif Mujic, Senada Alimanovic…

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