« Inventer mon propre son »

Peau

La Bobine

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Depuis ce Vercors où elle vit « accrochée à la montagne », Perrine Faillet aka Peau poursuit, avec "Archipel", sa mue de musicienne et d’artiste visuelle, se plaisant à explorer toutes les voies possibles en quête de la vérité qui gît sous la Peau. Rencontre et critique de ce deuxième album avant son concert à la Bobine.

D'où vient le nom Peau ?

Perrine Faillet : Quand j'ai décidé de me lancer dans un projet solo, j’avais envie de faire davantage appel à l'imaginaire qu'à la réalité de qui je suis en tant que Perrine. Et puis c’est un mot qui a plusieurs facettes : intimiste, sensible, féminine, sensuelle, mais aussi organique. Cette dualité m'intéresse parce que j'ai envie de faire une musique à la fois agréable et abordable tout en cherchant des formes un peu plus surprenantes et dérangeantes.

La peau, c'est à la fois ce qui nous met en contact avec l'extérieur et ce qui nous en protège...

Oui, j'aime cette idée de l’interface entre notre monde intérieur et le monde extérieur. Ce rapport à l'enveloppe de notre propre identité me parle beaucoup.

Au départ, vous vous destiniez au cinéma. Comment-êtes vous passée à la musique ?

En réalité, j'ai toujours été intéressée par l'art en général plus que par un domaine en particulier. J'avais démarré des études en arts du spectacle à Bron [près de Lyon – NDLR], plus par intérêt pour le spectacle vivant et le théâtre. Mon intérêt pour le cinéma en tant qu’art global a grandi petit à petit. J'ai alors eu envie de creuser cette voie et de me former de manière plus poussée au cinéma d'animation dont les formes expérimentales m’intéressaient beaucoup. Et puis en parallèle de mes études, un projet m'a été proposé, qui était à la fois musical et théâtral. J'avais une petite pratique de la musique, régulière depuis longtemps mais sans formation poussée. Au départ, c'était une aventure assez anecdotique, mais entre l'écriture et la composition, j'y ai consacré de plus en plus de temps. Pour vivre pleinement les choses, j’ai dû faire un choix et ce fut la musique. Même si j'ai toujours gardé en parallèle une activité vidéo sous diverses formes, que j’ai d’ailleurs rapidement rattachée à la musique notamment via mes clips.

De ce point de vue, la musique est aussi une pratique qui permet d'englober plusieurs formes d'art...

C'est difficile aujourd'hui de faire de la musique sans avoir une image forte. Je vivrais difficilement le fait que mon image puisse m'échapper. Je suis donc assez contente d'avoir des idées arrêtées là-dessus et d'être capable avec mes petits moyens de les faire exister, que ce soit en vidéo, via la photo, le graphisme pour les disques... L'idée du clip de l'Instant T, avec les cassettes vidéo, je l'avais en tête depuis des années et j'étais contente de pouvoir la mener à bien grâce à Peau. Parce que j'ai eu le temps de le faire, qu'on m'en a aussi donné les moyens. La musique n'englobe pas tout mais c'est déjà un bon terrain de jeu sur lequel il y a plein de possibilités. Je ne m'ennuie pas.

On vous compare souvent à Björk, Camille ou Émilie Simon mais qu’est-ce qui vous inspire réellement musicalement ?

J'aime bien les formes surprenantes qui parviennent à rompre un peu avec le ronron de la production musicale actuelle. Quand je parle d’Archipel, j’évoque souvent James Blake, que j'ai beaucoup écouté. C'est quelqu'un qui, avec un abord très romantique et une voix un peu facile, propose un univers musical complètement barré. J’aime les artistes qui creusent un chemin pour les autres. Je suis aussi beaucoup touchée par les voix, donc quand les deux se cumulent, c'est l'idéal. Plus généralement, j’ai beaucoup écouté de musique électronique, un univers que je ne connaissais pas trop et j'y ai trouvé beaucoup de choses très intéressantes en termes de sonorité. N'étant pas instrumentiste, traiter ces matières-là, les couper, les monter, les manipuler via l'outil informatique, c'est assez cohérent avec ma manière de travailler qui est assez indépendante – même si, pour ce deuxième disque, j'ai beaucoup travaillé avec Daniel Bartoletti, un musicien grenoblois dont j'aime beaucoup le travail. Une fois que j'ai défini mes envies, on est allés ensemble dans ce sens-là.

En dépit de la direction plus électro prise sur Archipel, votre musique, avec la manière dont elle est produite, conserve une dimension très organique. Est-ce une identité musicale à laquelle vous teniez ?

Même s'il m'importe de faire quelque chose de vivant et que je suis attachée à la dimension organique, au fait qu'il y ait de la chair, je n'avais pas ça réellement en tête pendant la création du disque. Je ne sais donc pas trop comment définir ce côté organique – mais s'il est là, tant mieux. Je pense que le rapport à la voix y est pour beaucoup : la façon dont elle est placée maintient un rapport direct avec l'auditeur. La voix reste toujours là comme un guide. Et puis comme je n'ai pas une culture très ancienne en matière de musique électronique, je ne suis pas énormément influencée par ces esthétiques. Je les découvre, et c'est peut-être ce qui me permet d'inventer mon propre son, sans essayer de copier.

Sur Archipel, vous chantez aussi davantage en français mais en conservant une approche assez anglo-saxonne des textes, avec un soin apporté à leur musicalité peut-être davantage qu'au sens...

Pour moi, le langage est surtout sonore. Quand j'écris, et même si je ne suis pas forcément fière de ça, je me soucie assez peu dans un premier temps du sens et des thématiques que je vais aborder. Je cherche surtout à ce que ça sonne bien et à ce que les mots associés les uns aux autres forment une matière qui me plaise et que j'ai plaisir à m'approprier. Souvent, j'ai une grosse partie de la matière musicale sur laquelle je fais beaucoup de yaourt avant de me dire qu'il faut que je m'attèle au texte pour aller plus loin. Et je ne m’arrête pas tant que ça ne sonne pas parfaitement. C'est donc assez acrobatique et fastidieux parce qu'il y a plein de moments où ça sonne bien mais où ça ne veut rien dire, ce qui est plutôt embêtant (rires). Mais quand c'est là, je me sens tout à fait bien à l'idée de défendre mes textes sur scène. Ils racontent quelque chose qui peut être suggéré, métaphorique, chacun y mettant un peu ce qu'il veut.

Dans l’interprétation, vous oscillez toujours entre le chant, le spoken word, voire quelque chose qui mêle les deux…

Je ne suis pas une grande chanteuse, et mon identité se joue entre la musique, les textes et la manière que j'ai de les transmettre le plus justement possible dans une globalité. En mettant en place le projet Peau, j'ai pensé à cette adresse, très directe. Surtout, le parler-chanter permet aussi de retrancher de la mélodie – je trouve que, parfois, mettre de la mélodie pour mettre de la mélodie peut desservir l'arrangement qu'il y a derrière. L'idée, c'est que la voix ne soit pas toujours le personnage principal du morceau, mais puisse aussi se mettre au service de la musique.

À Grenoble, on vous dit grenobloise, à Lyon, lyonnaise, alors que vous êtes originaire du Vercors où vous vivez toujours. Quel rapport entretenez-vous avec cet environnement ? Et jusqu'à quel point est-il présent dans votre œuvre , sachant que des morceaux comme Avalanche, Uyuni ou le titre de l'album Archipel y font plus ou moins directement référence ?

Quand on me dit que je suis grenobloise, ce n'est pas tout à fait faux : je vois Grenoble depuis la montagne où je suis accrochée, mais je ne me sens pas du tout urbaine. J'ai grandi ici et ces dernières années, je me sens encore plus dans la nature puisque j'habite dans un endroit assez perdu. Je travaille essentiellement chez moi, et je m'aère la tête sur les sentiers, dans la forêt, pour écouter les titres en cours de création avec un peu de recul. Cet environnement, je n'y fais pas explicitement référence dans mes textes, mais il est présent sur ce disque comme un paysage. Car ce paysage influence qui je suis et donc, par définition, ce que je fais.

Peau, vendredi 14 mars à 20h30, à la Bobine

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