À la rubrique reformation de groupes cultes, celle des Innocents est depuis quelques années un serpent de mer. Un serpent dont on voit désormais la queue puisque après avoir quelque peu séjourné en studio, ses deux maîtres d'œuvre JP Nataf et Jean-Christophe Urbain remontent sur scène. Comme dans "un monde parfait" où la vie serait soudain moins ordinaire. Stéphane Duchêne
Mais au fait, groupe culte Les Innocents ? Oui, mais pas que, la notion s'attachant généralement aux formations qui n'ont connu qu'un succès posthume – voire pas de succès du tout – mais dont on reconnaît l'apport séminal (au sens premier du terme) à leur discipline. Car oui, après les syndicales années de formation et de galère, Les Innocents ont bien connu un succès fulgurant à la charnière des années 80 et des années 90. Et même opéré un squattage en règle du Top 50, intercalés entre variété de seconde main et boys band essorés d'avance.
Cela aurait pu leur coûter leur réputation – on sait les ravages du succès sur la crédibilité artistique en matière de pop music. Mais Les Innocents furent – et mieux : demeurèrent – l'un de ces rares groupes pop français à trouver, sans doute un peu malgré eux (la chose étant si volatile), l'alliage philosophal entre exigence mélodique, références pointues et succès commercial, cumulant comme à la parade Bus d'acier (le Grand Prix du rock français, aujourd'hui disparu, initié en son temps par le Bus Palladium) et Victoires de la Musique.
Post-partum
Et donc alignant les tubes, demeurés pour la plupart dans l'inconscient collectif : Jodie le révélateur, un truc assez irrésistible qui parvient à faire résonner des accents springsteeniens tout en affichant un cousinage évident avec des groupes d'outre-Manche tels Prefab Sprout et XTC ; puis en vrac L'Autre Finistère, Colore, Un Homme extraordinaire (conte moderne à pleurer), Une vie moins ordinaire (entre XTC toujours et les Beatles déboîtés des expérimentations mid-sixties), Un monde parfait (titre moteur de leur sommet Post-partum).
Malgré tout, sans doute étourdis, ce n'est peut-être que plus tard, une fois Les Innocents séparés, que l'on a pris conscience de l'importance de ce groupe dans l'établissement d'une pop ligne claire à la française, ainsi que de l'influence de JP Nataf (sublime en solo avec Plus de Sucre et Clair) et à parfaite égalité de son acolyte Jean-Christophe Urbain – ne l'oublions pas. Aujourd'hui, les Lennon-McCartney de la pop française des 90's ne se reforment pas que le temps d'une tournée – en mode intime – mais avant un album à venir dont ils jouent déjà des extraits. Un disque pour lequel on plaide coupable d'impatience.
Les Innocents, mercredi 1er octobre à la Source (Fontaine)