Les Innocents : strip-tease pop

Les Innocents



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Après une séparation brutale en 2000, JP Nataf et Jean-Christophe Urbain, les deux leaders des Innocents, reviennent sur le devant de la scène. Une reformation dans les tuyaux depuis quelques années qui prend enfin forme avec une tournée et un album attendu pour l’année prochaine – pour compléter sur scène la somme de tubes déjà en magasin. Enthousiastes et impatients, on est partis à la rencontre de JP Nataf pour en savoir plus. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Le retour des Innocents est un vieux serpent de mer qui est aujourd’hui totalement d’actualité. Quand cette reformation a véritablement été décidée ?

JP Nataf : Ça a pris du temps, progressivement. À la fin du groupe, il y a eu seulement deux années de prise de distance avec Jean-Chri : on ne s’est pas perdu de vue très longtemps, il n’y a donc pas eu vraiment à renouer. On s’est vite retrouvés comme on est voisins, on a des amis en commun... D’autant plus qu’il y avait tous les ans une occasion de chanter une chanson ensemble. Il ne s’est jamais passé trop de temps sans qu’on se retrouve autour de guitares !

Quel a été le déclic qui vous a décidés à franchir le pas ?

Ça s’est concrétisé il y a cinq ans quand il a fallu que je trouve un sparring-partner pour terminer Clair, mon deuxième album solo que j’avais enregistré seul. Un soir, en parlant avec Jean-Chri, j’ai compris que plutôt que d’aller chercher quelqu’un je ne sais où, j’avais pas loin de moi une personne qui me connaissait bien et avec qui ça pourrait marcher ! On s’est alors rendu compte qu’on avait un langage commun qui restait assez fort malgré les dissensions de l’époque. Nous voyant travailler ensemble sur l’album, tout le monde y allait de son "quand est-ce que vous remettez ça ?". On n’était pas contre, mais on attendait le moment... Après, on ne savait pas vraiment ce que l’on voulait faire – juste une tournée ou carrément créer des chansons ensemble... Tout ça a pris du temps, puis c’est devenu sérieux le jour où l’on a pris un manager qui nous a mis au pied du mur. Et comme on ne trouvait pas très gratifiante l’idée de partir en tournée avec un best of, on a commencé à envisager un ou deux inédits... Puis, de fil en aiguille, l’idée d’un album s’est concrétisée – album qui devait sortir en fin d’année, mais il y a du retard !

Ça a été difficile de vous remettre à composer ensemble ?

La seule chose qu’on avait oubliée, c’est qu’on est très exigeants ! Du coup, ça fait deux ans qu’on est sur l’album et il n’est toujours pas fini ! Mais il est difficile à finir parce qu’on est très vite montés sur scène où l’on joue beaucoup de vieilles chansons qui, on l’a constaté, ont encore de la force. Déjà, on prend du plaisir à les interpréter – il y a six ans, je n’aurais pas parié sur le fait que je prenne du plaisir à chanter Un homme extraordinaire ou L’Autre Finistère ; je pensais être passé à autre chose. Puis surtout, on s’est rendu compte que ces chansons avaient eu une belle histoire pendant notre absence : elles existent toujours, elles se sont même transmises de génération en génération – on se retrouve parfois, dans les premiers rangs de nos concerts, avec des jeunes de 18 à 25 ans qui connaissent même les chansons des albums. Ça nous a donc mis la pression de jouer des nouveaux morceaux au milieu des autres.

Le fait que ce retour soit attendu par un paquet de monde doit aussi vous mettre la pression ?

Il y a de la pression parce qu’on a signé sur une major [le label Jive, appartenant à Sony – NDLR] qui a fait de cet album une sorte d’objectif. Et puis nous, bêtement, on se met la pression ! On n’est pas le groupe d’un tube, mais de quatre ou cinq morceaux qui ont beaucoup voyagé, qui ne sont pas datés – on ne se dit pas en les écoutant que c’est le son des eighties. Avec en plus des gens qui ne savent pas forcément qu’ils sont des Innocents : on a donc des chansons plus fortes que nous, et on revient pour ça et non parce que nous-mêmes étions attendus. Finalement, personne ne sait vraiment qui on est !

Pourquoi avez-vous décidé de reformer les Innocents sans les autres musiciens ?

On avait envisagé de reprendre avec le groupe, on a même essayé des choses en studio. Mais en commençant ces petits concerts de chauffe à deux, on est partis ailleurs. D’autant plus qu’il y avait une part de l’histoire qui n’était pas aboutie dans le groupe d’avant, où c’étaient nous deux avec les pleins pouvoirs. Mais quand vous composez une chanson avec un groupe, il faut faire en sorte que chaque musicien – le batteur, le clavier... – ait quelque chose à faire. Il y avait donc une petite frustration. Alors qu’à deux, on retrouve les chansons un peu comme on les a composées. Il y a l’envie d’un strip-tease qui n’avait pas été au bout du temps du groupe.

Être à deux avec seulement des guitares permet aussi de marquer un changement, voire une rupture avec les Innocents version années 80 / 90...

Oui, c’est quelque chose des Innocents que vous n’avez pas vu, avec en plus un nouvel album. Cet été, on s’est fait de gros frissons, parce que jouer Colore ou L’Autre Finistère avec deux guitares devant 6 000 personnes, on ne peut pas se planter !

Au vu des nouveaux titres que vous dévoilez en concert, vous composez toujours en français, ce qui est plutôt rare dans la pop française...

Il y aura peut-être une chanson en anglais sur le disque – on s’est autorisé une petite digression ! Après, le français, c’est ma bataille de Don Quichotte depuis le début. On jouait dans des petits clubs de rock où la moitié des groupes chantait en anglais. Je me suis toujours méfié de la culture française, comme je n’aime pas tellement qu’une chanson me raconte trop. Mais, avec le français, il y avait un défi, un grand écart qui m’intéressait. C’est ça qui nous a donné de l’énergie. À l’époque, si j’avais chanté en anglais, j’aurais été beaucoup plus près de mes modèles anglo-saxons, il y aurait eu moins de travail pour s’affranchir de certains sons. Surtout que le genre de pop qu’on fait n’est pas un terrain qui a été très fréquenté – à l’époque, en même temps que nous, il y avait L'Affaire Louis' Trio et quelques autres groupes, mais ce n’était pas énorme. Maintenant, la plupart des groupes qui arrivent délaissent le français, ce que je peux comprendre aussi car ça leur permet d’aller jouer en Suède et ailleurs ! Je trouve juste ça dommage que des groupes comme Revolver, qui ont un talent musical incroyable, ne relèvent pas le défi de chanter en français.

Aujourd’hui, dans le flot de groupes qui émergent (ou ont déjà émergé), avez-vous des héritiers ?

J’aime beaucoup Frànçois and The Atlas Mountains, mais je préfère largement ses chansons en français – s’il était en face, je lui dirais ! Mais il n’y a pas que des groupes : je m’intéresse aussi à ce que fait Camélia Jordana, qui a une vraie grâce dans la langue. Il y a aussi Mina Tindle avec qui j’ai travaillé et qui vient de passer le cap du français avec son nouvel album – alors qu’avec le premier, il fallait se battre pour l’amener vers le français. Mais je comprends : en France, on a un rapport à la littérature qui fout la trouille. Il y a un tel tribut à payer à la poésie française. Du coup, dès qu’on sort de la chanson française classique et qu’on va sur la pop, il y a des blocages.

Comment voyez-vous l’avenir des Innocents ?

Pour le moment, on est bien à deux. Le disque va arriver, ça va être notre bébé qu’on va au début défendre à deux. Après, on verra sur la durée si on ressent le besoin de faire venir quatre danseuses et une section de cuivres !

Les Innocents (+ Fred Raspail), mercredi 1er octobre à 20h30, à la Source (Fontaine)

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Repères

1982 : JP Nataf rebaptise son ancien groupe de lycée Les Innocents. Ils sont quatre musiciens.

1986 : Le groupe signe chez Virgin. L’année d’après sort Jodie, le single fondateur – n°34 au Top 50.

1988 : Jean-Christophe Urbain rejoint le groupe.

1989 : Sortie de leur premier album Cent mètres au paradis.

1992 : Sortie de Fou à lier, avec des tubes comme Un homme extraordinaire et L’Autre Finistère – leur plus gros succès, n°10 au Top 50. 500 000 exemplaires vendus.

1994 : Première Victoire de la musique du meilleur groupe (ils remporteront aussi le titre en 1996 et 1997).

1995 : Sortie de Post-Partum, avec des tubes comme Colore, Un monde parfait... 200 000 exemplaires vendus.

1999 : Sortie de l’album Les Innocents, qu'ils ne joueront jamais sur scène, Jean-Christophe Urbain quittant le groupe en 2000 juste avant la tournée.

2004 : Sortie de Plus de sucre, premier album solo de JP Nataf.

2009 : Sortie de Clair, deuxième album solo de JP Nataf.

2013 : Annonce de la reformation du groupe.

2015 : Un nouvel album devrait voir le jour. Deux titres (Les Philharmonies martiennes et Love qui peut) ont déjà été enregistrés et sont joués en concert.

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