De Xavier Dolan (Can, 2h18) avec Antoine-Olivier Pilon, Anne Dorval, Suzanne Clément...
L'encensement précoce de Xavier Dolan ne pouvait conduire qu'à l'accueil exagérément laudatif qui a été celui de Mommy au dernier Festival de Cannes. Disproportionné mais logique : même bancal, même inégal, c'est son meilleur film, celui où il s'aventure dans des directions nouvelles, mais bien plus maîtrisées que dans son précédent Tom à la ferme.
La première heure, notamment, est vraiment excitante. Si on excepte une inexplicable mise en perspective futuriste du récit, la description de cet Œdipe hystérique entre un adolescent hyperactif et colérique et sa maman borderline et débordée, dans laquelle se glisse une enseignante névrosée qui va tenter de dompter le gamin, permet à Dolan de s'adonner à une comédie furieuse et décapante, remarquablement servie par son trio d'acteurs, tous formidables, et par cette langue québécoise incompréhensible mais fleurie. Même le choix d'un cadre rectangulaire et vertical façon écran d'iPad est habilement géré par la mise en scène, redéfinissant les notions de plans larges et de gros plans – dommage qu'il en fasse ensuite une simple astuce visuelle pour souligner un basculement dramatique évident.
Ça se gâte ensuite, quand Dolan commence à retrouver ses réflexes de réalisateur séducteur, pop et tendance, où l'idée des plans prend le dessus sur l'idée dans le plan. L'inspiration est parfois authentique (le pétage de plombs au karaoké, reposant sur une remarquable alternance de points de vue et de sensations) mais souvent, elle n'est qu'une manière de manipuler le spectateur et ses sentiments. Pas les contrôler, comme le font Polanski ou les Coen ; juste de produire des stimuli faciles qui, en fin de compte, ne masquent pas la maigreur du propos. L'escalade tire-larmes des trente dernières minutes est emblématique ; en basculant dans le mélodrame, Mommy trahit le cliché initial sur lequel il repose : on a tous besoin de l'amour d'une « môman ».
Christophe Chabert