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De Yann Demange (Angl, 1h39) avec Jack O'Connell (II), Lewis Paul Anderson...

Pour son premier film, Yann Demange, londonien d’origine française, applique les leçons du Vietnam movie pour raconter le calvaire d’un soldat britannique égaré à Belfast en plein conflit nord-irlandais. Impressionnant de virtuosité et d’efficacité. Christophe Chabert

Une jeune recrue débarque dans une guerre étrangère sans y avoir été préparé sinon par un entraînement sommaire et, après un traquenard, se retrouve seul et perdu en territoire hostile, tentant de survivre malgré la complexité des enjeux militaires : ce fut, peu ou prou, l’argument de la vague des Vietnam movies qui déferlèrent entre 1986 et 1990 sur les écrans, initiée par Oliver Stone avec Platoon. Le filon s’est tari mais à chaque nouvelle guerre américaine (Irak, Afghanistan et même Somalie avec le génial La Chute du faucon noir), ce canon a refait surface.

Pour sa première incursion dans le long-métrage après une expérience télé sur la série Dead set, Yann Demange, d’origine française mais ayant grandi en Angleterre, a choisi de le transposer à la situation nord irlandaise de 1971, lorsque l’armée britannique envoya ses troupes pour mater la rébellion terroriste de l’IRA à Belfast. Gary (Jack O’Connell, l’inquiétant délinquant d’Eden Lake et le détenu œdipien des Poings contre les murs) découvre en quelques jours à la fois ce conflit auquel il ne comprend rien et son rôle de militaire passant de la caserne au théâtre des opérations. Sur place, tout tourne très mal et le voilà obligé de se cacher dans une ville inconnue, à feu et à sang, où il ne sait pas à qui il doit se fier.

La fin de l’innocence

Demange ne cherche pas, comme Paul Greengrass dans Bloody Sunday, la reconstitution réaliste ; son terrain est celui du film de guerre, du thriller et même, dans son étonnant dernier mouvement, du film noir urbain façon Johnnie To. Autant de codes qu’il applique avec une efficacité impressionnante, que ce soit dans des plans-séquences qui créent un suspens tétanisant ou par un savant découpage de l’espace le transformant en source de danger perpétuel : des ruelles obscures, un café, un appartement dans une barre d’immeubles glauque, autant de lieux-refuges qui peuvent devenir des pièges mortels.

Le cinéaste est tellement sûr de sa virtuosité qu’il peut brièvement interrompre la tension qui irrigue son récit pour un aparté presque comique avec un gamin aux allures de caïd. Et lorsqu’il multiplie les points de vue dans le dernier acte, c’est pour mieux les faire converger vers une issue sanglante où le film prend la mesure des ambiguïtés politiques de l’époque. La fin de l’innocence du héros se superpose au trouble jeu du pouvoir anglais, dont il aura été la victime mais aussi, sans le vouloir, l’agent passif.

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De Yann Demange (Ang, 1h39) avec Jack O’Connell, Paul Anderson…

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