De François Ozon (Fr, 1h47) avec Romain Duris, Anaïs Demoustier, Raphaël Personnaz...
Argument de vente déjà bien calé en une des magazines, la transformation de Romain Duris en femme dans le nouveau film de François Ozon est son attraction principale. Il faut prendre le mot "attraction" au pied de la lettre : non seulement un phénomène freak plutôt réussi (Duris a souvent joué sur son côté féminin, mais le film se plaît à mettre en scène ce grand saut d'abord comme un apprentissage maladroit, puis comme une évidence naturelle) mais aussi le centre d'une névrose obsessionnelle qui saisit Claire (formidable Anaïs Demoustier, aussi sinon plus troublante que son partenaire) lorsqu'elle découvre que le mari de sa meilleure amie choisit de se travestir après le décès de son épouse. Embarrassée, troublée et finalement séduite, elle accompagne sa mue tout en la guidant pour des motifs opaques – voit-elle en lui une « nouvelle amie » prenant la place de la précédente ou un pur objet de désir ?
Autant de pistes formidables qu'Ozon ne fait qu'ébaucher, préférant jouer à l'auteur démiurge épuisant les possibles de son scénario. On passe ainsi sans transition de Vertigo à La Cage aux folles, de Chabrol à Mocky, de la peinture ironique à la satire grinçante – le personnage, ridicule, de Raphaël Personnaz, mari beauf et autosatisfait que les dialogues grossiers n'avantagent pas. L'image finale, petite provocation à l'encontre de la Manif' pour tous, donne le sentiment que les ficelles tirées par Ozon ne sont pas que ludiques, mais aussi discrètement militantes, sachant que l'homoparentalité est depuis longtemps un thème au cœur de son cinéma – revoir (ou pas) Le Temps qui reste et Le Refuge.
Christophe Chabert