Vivifiée par la verve et la rigueur de l'écriture d'Alexandre Astier et par un beau travail graphique de Louis Clichy, cette version animée des aventures d'Astérix et Obélix fait oublier les faux pas des récentes adaptations live.Christophe Chabert
C'est presque un effet de signature : discutant avec des sénateurs, Jules César se lance dans des métaphores animalières qu'aucun d'entre eux ne parvient à suivre. Les amateurs de Kaamelott apprécieront de retrouver dès la première séquence le goût d'Alexandre Astier pour les malentendus et les problèmes de communication qui ont fait sa marque. Le légionnaire à qui il prête sa voix doit d'ailleurs faire face à des frondes diverses où ses ordres sont constamment remis en question par la masse qui lui fait face, que ce soit ses propres troupes ou les esclaves et leur chef, très doué pour la rhétorique – géniale inversion des clichés.
L'apport d'Astier – dont la quasi-acronymie avec le héros est troublante – à cette adaptation animée dont il est à la fois le scénariste et le co-réalisateur ne s'en tient pas là ; on sent chez lui un réel amour pour l'univers des irréductibles Gaulois, un plaisir enfantin à rester fidèle à l'esprit d'Uderzo et Goscinny. Cela suffit à faire la différence avec les deux derniers volets live qui couraient après un modèle de blockbuster hexagonal voué à la laideur et à la surenchère. Le Domaine des Dieux cherche à rendre justice au goût de la caractérisation, du récit et du clin d'œil contemporain qui constitue l'âme des aventures d'Astérix.
Classe Tourix
Bonne surprise aussi : l'animation de Louis Clichy ne cherche pas à copier l'hystérie lassante des studios américains. Le film a du rythme, mais celui-ci ne réside pas dans une avalanche de plans et des loopings visuels impossibles, plutôt dans l'enchaînement soutenu des séquences et leur pleine lisibilité graphique.
Surtout, Le Domaine des Dieux se plaît à mettre en scène non pas un conflit militaire, mais économique entre Rome, qui se lance dans une vaste entreprise architecturale et touristique, et le village gaulois dont les habitants sont tentés par les possibilités commerciales offertes par ce nouveau voisinage aisé. Les mécanismes de l'inflation, de la consommation et de la gentrification sont joliment démontés tout au long de ce divertissement plaisant. Ne reste plus qu'aux parents à expliquer à leurs bambins ce réjouissant sous-texte politique, on ne peut plus d'actualité.
Astérix – Le Domaine des Dieux
De Louis Clichy et Alexandre Astier (Fr-Belg, 1h25) animation