Mourad Merzouki : « Travailler sur l'image, la beauté, la poésie »

Pixel

Hexagone

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Danse / "Pixel", c’est la rencontre au sommet entre le chorégraphe Mourad Merzouki, star d’un hip hop généreusement éclatant, et les deux poètes des arts numériques Adrien Mondot et Claire Bardainne. Une véritable réussite. On a profité du passage par Meylan de ce spectacle créé il y a trois semaines pour interroger Mourad Merzouki. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Quand vous avez découvert le travail d’Adrien Mondot et Claire Bardainne, dont la démarche est de « placer l’humain au centre des enjeux technologiques et le corps au cœur des images », vous avez tout de suite été « fasciné »… D’où l’idée de collaborer ensemble ?

Mourad Merzouki : On est de plus en plus entourés d’art numérique. Quand j’ai découvert leur travail, j’ai tout de suite aimé leur côté singulier. On n’est pas dans de la vidéo décorative, trop chargée, mais dans un rapport à l’image épuré avec un aspect en trompe-l’œil bluffant qu’apportent leurs images. J’ai tout de suite eu envie d’imaginer une chorégraphie dans un espace qui serait porté par leur univers.

Vos deux univers sont pourtant très distincts l’un de l’autre – le hip hop pour vous, les arts numériques pour eux…

Oui. Du coup, le projet a été complexe à monter. Il fallait que j’imagine une structure qui puisse être dans un réel équilibre entre la danse et les arts numériques. Ça reste un spectacle de danse, mais en même temps, je voulais un vrai dialogue entre ces deux arts pour ne pas que l’on voie juste deux univers l’un à côté de l’autre.

Le spectacle s’appelle Pixel, soit l'unité de base permettant de mesurer la définition d'une image numérique. On peut aussi imaginer que les danseurs sur le plateau sont à leur manière des pixels, mais vivants, donc plus forts que les pixels immatériels…

C’est très juste. Pour moi, les pixels que je vois dans la vidéo, je les vois également en vrai dans la société : ce sont des êtres humains, c’est le collectif, mais aussi le pixel qui est exclu… Du coup, j’ai fait plein de liens entre le groupe et le pixel seul, en travaillant le solo, le duo, l’ensemble…

Le spectacle convoque beaucoup de technologie, mais tout semble fluide, évident… Qu’est-ce qui a été enregistré en amont et qu’est-ce qui ne l’a pas été ?

On a des parties entièrement enregistrées, parce que la chorégraphie va vite. Mais à d’autres moments, la vidéo est manipulée en live. C’est passionnant, le spectateur a vraiment l’impression que tout est en osmose. Après les représentations, certains me demandent souvent qui de la vidéo ou du danseur entraîne l’autre ? Une question qui montre que la rencontre marche !

Le travail chorégraphique a donc dû être différent selon les tableaux ?

Non, car quand c’est en live, Adrien et Claire suivent tout de même une chorégraphie écrite [ils manipulent la nuée de pixels depuis la régie grâce à une tablette et une palette graphique – NDLR]. Ils ont le parcours du danseur, ce n’est pas improvisé. Même si, bien sûr, d’une soirée à l’autre, on sent le côté vivant du live.

Le spectacle est plastiquement très fort et très beau. Vous avez cherché un tel rendu ?

J’aime bien travailler sur l’image, la beauté, la poésie… De manière générale, mes créations sont basées là-dessus. Je ne suis pas quelqu’un qui fait des spectacles engagés où il faut trop réfléchir. C’est probablement lié à mes débuts dans le cirque. À chaque fois que je crée, je cherche à mettre en place une image que le spectateur puisse garder dans la tête : une émotion, une énergie. Du coup, c’est aussi ce que l’on retrouve dans Pixel.

Vous avez donc pratiqué très jeune le cirque, puis c’est la découverte du hip hop qui vous a emmené vers la danse. Vous avez ensuite travaillé avec de grands chorégraphes contemporains comme Maryse Delente ou Josef Nadj.… Finalement, votre parcours démontre que le hip hop est une danse comme une autre…

Le hip hop est une danse jeune née dans la rue, qui au départ était pointée du doigt comme un simple effet de mode, une danse de banlieue… Elle ne vient pas des conservatoires ou de circuits plus traditionnels, il a fallu s’accrocher. Mais aujourd’hui, oui, la danse hip hop a véritablement atteint son âge mature, en étant à la fois dans la rue et dans les théâtres. C’est une forme artistique qui peut sans problème se croiser avec d’autres, et qui peut toucher tous les publics.

Au vu de la jeunesse de cette danse, se pose la question de sa transmission, que vous avez notamment abordée cet été aux Nuits de Fourvière (Lyon) avec Répertoire #1, patchwork d’une partie de vos anciennes créations…

Je continue toujours à être en alerte sur le sujet. Il n’y a pas de diplôme officiel de hip hop, notamment en enseignement. Pour l’instant, on est à l’étape de transmission par le spectacle, par le répertoire des différents chorégraphes. Mais c’est une question passionnante car la manière dont on va transmettre le hip hop influera sur son évolution.

À chacun de vos passages dans l’agglomération grenobloise, vos spectacles affichent complet longtemps en amont – comme cette semaine à l’Hexagone de Meylan. Ce qui est aussi le cas dans de nombreuses autres villes. Ce succès énorme n’est-il pas un brin effrayant voire paralysant ?

C’est encourageant, ça veut dire qu’il y a une fidélité du public et qu’on est très attendus. C’est ce qui me pousse à être encore plus créatif, plus imaginatif… Je suis dans une espèce de tourbillon excitant et plein d’enjeux : pour mon travail personnel, mais aussi pour la danse hip hop et plus largement pour la société dans son ensemble. J’ai grandi dans un quartier, l’idée que la danse hip hop réunisse et rassemble un public large dans la rue comme dans les salles de théâtre est capitale pour moi.

Mourad Merzouki

1973 : naissance à Lyon. Dès l’âge de 7 ans, il fréquente l’école de cirque de Saint-Priest et suit des cours de karaté et de boxe américaine. Il découvre le hip hop à 15 ans et commence alors à danser dans la rue.

1989 : création de sa première compagnie baptisée Accrorap avec Kader Attou, autre chorégaphe hip hop aujourd’hui reconnu en France.

1994 : présentation du spectacle Athina lors de la Biennale de la Danse de Lyon. « Un véritable succès qui réussit à transposer la danse hip hop de la rue à la scène. »

1996 : création de sa propre compagnie baptisée Käfig. Le premier spectacle confronte un danseur hip hop et une interprète contemporaine. Depuis cette date, 22 créations ont été présentées dans 650 villes. Plus de 2300 représentations ont été données dans 61 pays et devant plus d’1 million de spectateurs.

2006 : il reçoit le prix SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques) du nouveau talent chorégraphique. La compagnie entre en résidence à l’Espace Albert Camus de Bron (près de Lyon). Il ouvre ensuite Pôle Pik, le « centre chorégraphik » de Bron.

2009 : il est nommé à la direction du Centre chorégraphique national de Créteil et du Val-de-Marne.

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