Avec "L'importance d'être Wilde", le metteur en scène Philippe Person et l'auteur Philippe Honoré ont imaginé une savoureuse plongée au plus près d'un des auteurs britanniques les plus fascinants : Oscar Wilde. Sur scène, trois comédiens mettent en avant tant le personnage fantasque que sa plume aiguisée sans jamais tomber dans l'écueil du spectacle didactique ou historique. Rencontre avec le concepteur de ce bijou théâtral "so british".Propos recueillis par Aurélien Martinez
L'idée, avec l'auteur Philippe Honoré, était de vous confronter à la figure d'Oscar Wilde (1854 – 1900) mais de façon libre, et pas du tout didactique...
Philippe Person : Tout à fait. On voulait absolument éviter le côté pédagogique et grande illustration de la vie et de l'œuvre d'Oscar Wilde. On a plutôt pris toute cette matière extraordinaire entre son œuvre, sa vie et l'époque dans laquelle il a vécu, pour en faire un véritable objet théâtral ; pour pouvoir offrir un texte à interpréter aux comédiens et pas seulement leur narrer quelques événements. Je voulais un spectacle très rythmé, presque dans le rythme dans lequel Oscar Wilde a vécu : à cent à l'heure, en touchant un peu à tout...
On sent une réelle fascination de votre part tant pour l'œuvre que pour le personnage...
L'œuvre d'Oscar Wilde est littéralement exceptionnelle. Et sa vie aussi : dans cette Angleterre victorienne complètement guindée, il bousculait, était un vrai provocateur. Il avait un regard acéré sur son époque, il savait où il voulait entraîner sa vie et c'est ça qui était formidable.
Aujourd'hui, on connaît finalement peu l'œuvre d'Oscar Wilde, souvent résumée à son roman phare Le Portrait de Dorian Gray et à quelques bons mots...
Oui, sans doute, je ne me rends pas forcément compte. Mais, de mon côté, beaucoup de ses œuvres m'ont marqué, comme De Profundis, cette lettre d'amour extraordinaire, ou encore La Ballade de la geôle de Reading. Qui, aujourd'hui, après avoir été traîné dans la boue, peut écrire un tel poème d'amour ? Il avait une force de vie qui provoque une réelle admiration chez moi.
Le spectacle est très joyeux, même si vous n'éludez pas les parties les plus difficiles de la vie d'Oscar Wilde – il finira ruiné après avoir été condamné pour « grave immoralité » suite à la plainte du père de son jeune amant...
Oui, parce qu'il avait vraiment ce côté libre dans le vrai sens du terme, celui de refuser les conventions qu'on lui imposait. Et tout ça avec beaucoup d'humour et de cynisme, cynisme qu'il utilisait pour secouer ses interlocuteurs. C'est d'ailleurs finalement ça qui l'entraîne en prison. Il a été adulé, il a été détesté, mais a gardé cette vivacité d'esprit de tous les instants qu'on a essayé de retranscrire sur scène...
Avec des voix multiples, les comédiens étant autant des personnages extraits d'œuvres que des narrateurs, des témoins de l'époque ou Wilde lui-même...
Ils sont trois au plateau, deux comédiens et une comédienne. Comme je voulais sortir du côté reconstitution avec la coiffure et le costume, je ne voyais pas pourquoi, par exemple, la comédienne ne prendrait pas aussi la parole d'Oscar Wilde. Je pensais que le spectacle ne devait pas passer par la reconstitution et l'identification.
Même si vous avez quand même fait le choix de costumes et décors assez désuets !
Je voulais une certaine intemporalité, mais en même temps je voulais que les décors et les costumes aient un petit côté dandy... Désuet même comme vous dites... Je n'avais pas envie qu'il n'y ait rien, que tout soit neutre. On a donc essayé de trouver une sorte d'harmonie visuelle.
Oscar Wilde est une machine à produire des bons mots. Vous mettez en avant certains de ses aphorismes. Comment les avez-vous sélectionnés ?
Ça a été un des moments de création les plus compliqués. En répétition, j'essaie des pistes avec les acteurs. Avec les aphorismes, j'ai vraiment mis du temps à leur trouver une bonne forme. D'abord, je voulais en mettre beaucoup comme ils sont exquis, amers, drôles, terribles... Au départ, il y avait même eu un projet dans la compagnie de faire un spectacle qu'avec les aphorismes d'Oscar Wilde. Mais je l'ai vite arrêté ne voyant pas du tout comment mettre ça en scène. En même temps, je ne voulais pas qu'il n'y en ait pas dans celui-ci. Du coup, le public découvrira comment l'on a fait !
L'Importance d'être Wilde, vendredi 27 février à 20h30, à la Faïencerie (La Tronche)