Théâtre / Avec "Un été à Osage county", Dominique Pitoiset met en scène la faillite du rêve américain à travers un divertissement théâtral aussi captivant qu'une bonne série télé. Coup de cœur.
Il y a un côté série télévisée haut de gamme dans le dernier spectacle du metteur en scène Dominique Pitoiset, en référence à ces bijoux où les intrigues sont fouillées et les personnages complexes. Un aspect qui vient du matériau de base lui aussi haut de gamme de Pitoiset : August : Osage county de Tracy Letts, prix Pulitzer de la meilleure pièce de théâtre en 2008 (qui est passée par la case ciné avec Meryl Streep et Julia Roberts). Tracy Letts étant aussi, pour la petite histoire, l'homme qui a écrit Killer Joe, pièce que William Friedkin a adaptée au cinéma en 2012 avec l'incroyable Matthew McConaughey dans le rôle-titre. Voilà pour la contextualisation.
Un été à Osage county (en VF), ce sont les déchirements d'une famille réunie au plein milieu de l'Oklahoma, chez la mère forte en gueule du clan. Le père, poète alcoolique, a disparu ; les trois filles débarquent alors avec maris et enfants pour le retrouver. Et finalement prendre part au deuil collectif qui s'annonce, non sans régler quelques comptes au passage.
"Festen" à l'américain
Il est facile d'écrire sur une tribu de personnages, de construire des schémas narratifs à rebondissements qui tiennent en haleine le public (de nombreux feuilletons télé sont devenus maîtres en la matière). Il est beaucoup plus difficile de véritablement sonder les tréfonds de l'âme humaine et de convoquer des enjeux plus larges dans un récit – ici la fin d'une certaine vision de l'Amérique, matérialisée par le couple de parents. Dominique Pitoiset est ainsi brillamment arrivé à mélanger divertissement populaire et grand théâtre, comme il l'a déjà fait il y a deux ans à la MC2 avec son Cyrano.
Sur le plateau, c'est l'impressionnante Annie Mercier qui embarque la distribution composée d'une douzaine de comédiens. C'est elle qui campe Violet, mère acariâtre et malade qui n'a plus l'âge de mettre de l'eau dans son vin, bouffant littéralement les autres autour d'elle – surtout des femmes, les hommes n'étant que des présences fugaces. Dans sa grande maison d'un étage (la scénographie est très cinématographique), elle a abandonné toute illusion et tout optimisme, semblant faire cyniquement siens les mots que Cat Stevens chante dans Wild World : « il est dur de s'en sortir juste avec un sourire ». Il est dur de s'en sortir tout court, ce que démontre ce spectacle en 2h30 intenses.
Un été à Osage county, du mercredi 4 au vendredi 6 mars à la MC2