Jean-Marc Rochette, de la montagne à l'art

Le transperceneige

Musée Géo-Charles

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Des pics montagneux, il a gardé l'instant d'adrénaline qui le plonge dans une sorte de transe pour ensuite retrouver cet état dans la peinture. Actuellement exposé au Musée Géo-Charles, le dessinateur Jean-Marc Rochette, connu pour la bande dessinée "Le Transperceneige", dévoile un trait puissant qui navigue entre vignettes et peinture. L'occasion de rencontrer l'artiste et de parler de ses passions : l'alpinisme et la création plastique. Charline Corubolo

Tout cela n'a rien d'un parcours classique et manifeste grandement du talent du dessinateur. Né en 1956 en Allemagne, Jean-Marc Rochette débarque à Grenoble en 1968 pour ses études secondaires. Alors en section scientifique en première, il troque les mathématiques pour la montagne et n'y reviendra pas. Il termine son cursus avec une terminale artistique et, après un bac obtenu en 1975, enchaîne avec une année de licence en histoire de l'art. Mais les études ne sont cependant pas réellement sa priorité.

Je n'y allais jamais, j'étais toujours en train de grimper, j'étais complètement investi dans l'alpinisme à l'époque. Mais en 1975, lors de mon année d'histoire de l'art à Grenoble, j'ai eu un gros accident qui m'a éloigné de la montagne et m'a fait m'intéresser davantage à la peinture et la BD que j'affectionnais déjà.

En effet, dès 1974, son nom apparaît dans le magazine de contre-culture Actuel avec des récits courts. Puis il signe dans L'Écho des savanes. « Je suis devenu professionnel en 1978 à 22 ans et je me suis alors lancé à Paris, ce qui m'a encore plus éloigné des montagnes. » Il rencontre son premier succès avec la bande dessinée Edmond le Cochon au début des années 1980. S'en suit une pléiade de publications dont À suivre, Requiem blanc ainsi que le fameux Transperceneige, récit de science-fiction conçu par Jacques Lob qui rencontra un vif succès, point de départ de l'exposition actuellement présentée au Musée Géo-Charles.

« L'un renforce l'autre »

Mais la bande dessinée n'est pas le seul mont que Jean-Marc Rochette souhaite gravir. Laissant derrière lui les vignettes à la fin des années 1980, il se consacre à la peinture avec une affection particulière pour les toiles de paysages.

J'aime beaucoup la peinture du français Jean-Baptiste Camille Corot, et surtout celle de l'Allemand Adrian Ludwig Richter ; pour moi le dernier représentant de ceux qui faisaient du paysage. J'apprécie également les expressionnistes allemands.

Des références diverses qui marquent inlassablement le travail d'un l'artiste toujours sur le fil entre une ligne noire tranchante en BD et un coup de pinceau flou mais énergique en peinture.

Bizarrement, j'avance par étage, c'est-à-dire que je fais de la peinture puis j'arrive à un moment où je sens que je vais me répéter, voire légèrement régresser, et là je passe à la BD. Par exemple, ce que je réalise actuellement [le tome 4 du Transperceneige – NDLR] est meilleur que ce que j'ai pu faire avant grâce aux deux-trois ans de peinture que j'ai vécus avant et qui m'ont permis de gagner en liberté. Et là je sais que je me remettrai à la peinture d'ici un an ou deux et que j'aurai accompli des progrès. L'un renforce l'autre.

C'est ainsi que l'artiste alterne entre BD et peinture mais toujours avec cette prégnance et cette simplicité dans la forme qui dévoile une expressivité intense non sans rappeler certains bédéistes américains comme Crumb et Alex Toth, ou le Grenoblois Francis Masse.

« Je cherche ce moment où le cerveau lâche prise »

Un ensemble homogène malgré les différentes influences et les multiples façons de s'exprimer de l'artiste que le Musée Géo-Charles invite à découvrir. Et si la base de cette exposition est Le Transperceneige, BD récemment popularisée par le très bon film Snowpiercer du réalisateur Bong Joon-ho, Élisabeth Chambon, conservatrice en chef du patrimoine au musée, a décidé de dévoiler les autres œuvres de Jean-Marc Rochette et de transformer le parcours en exercice de style au cœur d'une gestuelle frappante, voire physique.

Je me suis aperçu que lorsque l'on grimpe en montagne, il y a un moment où une espèce de transe apparaît à cause du danger. L'adrénaline nous pousse à faire des choses que l'on n'aurait pas réalisées naturellement. Dans la peinture, je cherche ce moment où le cerveau lâche prise, tout comme dans le dessin. Ça devient une danse physique, c'est là que les trouvailles arrivent.

Une implication du corps qui éclate avec l’œuvre in situ dévoilant le train du Transperceneige et qui se dessine en filigrane tout au long de la visite au gré des 80 premières planches du tome 4 exposées mais aussi avec la présentation des travaux préparatoires et les peintures de Requiem Blanc, Himalaya Vaudou ou encore Candide. Une énergie physique qui se transforme en énergie créatrice que Jean-Marc Rochette observe beaucoup dans la peinture chinoise du XVIIe siècle avec, comme figure marquante, Zhu Da. Une exposition dense donc, qui annonce d'autres projets à venir : une BD sur un peintre chinois, un projet d'animation avec Olivier Bocquet, actuel scénariste du Transperceneige, et pourquoi pas une expérience d'un an dans l'Oisans pour peindre les montagnes au jour le jour.

Le Transperceneige, jusqu'au dimanche 17 mai, au Musée Géo-Charles (Échirolles)

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