Radio Elvis : Radio Days

Quand on jette un œil sur les photos de Pierre Guénard, meneur du groupe Radio Elvis convié en la partie diurne et live du festival Jour et Nuit, on revoit presque le Morrissey précieux des jeunes années coquettement affublé de lunettes de non-vue sous sa banane flambante, mais prolongé en Daho période rennaise. Et quand il chante, c'est comme s'il accompagnait Dominique A sur les tombes de Bashung et Ian Curtis. C'est que cette génération, celle à laquelle appartiennent aussi leurs jeunes surdoués cousins de Feu ! Chatterton, a poussé le post-modernisme jusque dans le fossé pour brouiller tous les codes en vigueur et s'en faire une énigme.

On a comme déjà tout entendu – puisque tout a été fait – mais eux en font un thésaurus rock, grimoire dansant sur lequel ils viennent consigner des textes en français tordant le bras à la théorie selon laquelle les moins de trente ans ne savent plus écrire leur nom. L'affirmation du contraire se faisant aussi via la préciosité investie dans l'interprétation desdits textes mais sans jamais prétendre faire de la littérature musicale – et pourtant on y raconte plus d'histoires, et mieux, que dans bien des livres. Il s'agit bien de bâtir des chansons (des chansons rock, ce monstre du French Loch Ness) comme on construit un feu, et de faire en sorte qu'elles s'embrasent. Et cela, c'est un art, surtout par vent fort.

Le résultat est parfois étourdissant et met souvent le feu à l'Atlas de la pop, ravageant la new-wave (Demande à la poussière, comme si Dominique A désossait John Fante), accostant l'Afrique fantasmée (les guitares afro-surf de Goliath qui ne sont pas sans rappeler François Marry, puisqu'on parlait d'Atlas), avec cette obsession textuelle quasi sexuelle pour les grands espaces (La route, La traversée, Le continent, Au loin les pyramides).

Comme si cette génération, Radio Elvis en tête, avait, on la comprend, des envies d'ailleurs et d'aventures (les figures de Jack London et Saint-Exupéry sont omniprésentes) mais sans jamais abandonner en route non pas ses bagages, mais son bagage. Pour, avec ses références, se faire une différence.

Stéphane Duchêne

Radio Elvis, samedi 26 septembre à 20h30, au Ciel