Avec "NQNT" et "NQNT 2", Vald, de passage cette semaine par la Bifurk, confirme qu'il est le rappeur le plus cramé et le plus futé de sa génération.
Vald n'est pas un génie. Il s'en défend à longueur d'interviews, retranché derrière quatre lettres : "NQNT", pour "Ni queue ni tête", équivalent j'm'enfoutiste et prêt-à-"brander" du "no reason" de Quentin Dupieux. Mais il est assurément un petit malin. Pour preuve, la manière, elle aussi volontairement contradictoire, dont il a orchestré la promo de NQNT 2 – qui fait suite à un EP et une poignée de mixtapes.
Selfie, portrait d'une jeune fille à la sexualité lycanthropique (girlfriend bien sous tout rapport le jour, elle devient une bête masochiste la nuit), a été promu par trois clips plus ou moins explicites, tournés avec la complicité des pornstars Ian Scott et Nikita Belluci – le plus hard étant diffusé sur la plate-forme de partage de vidéos pas du tout "safe for work" Pornhub. Même tarif pour Urbanisme, description à double tranchant des évolutions de la vie de quartier qu'illustrent trois plans-séquences quasiment identiques et anti-spectaculaires au possible – on le voit acheter des clopes et peiner à en allumer une. "Trolling" marqueté ou délire arty ? Dans les deux cas, la frontière est aussi poreuse que les vertèbres de JFK.
Tout un poème
Tout le projet de ce gamin d'Aulnay-sous-bois est de ce calibre : partagé entre insolence et bon sens, sottise à froid et vulgarité à chaud, détachement old school et vénalité "trap", qu'il glose l'air de rien sur le sentiment d'abandon par les élites politiques (Shoote un ministre), le culte de l'apparence (Selfie) ou la déréalisation de la violence (le burlesque Bonjour, à propos d'un mec qui se fait bastonner en réponse à son impolitesse).
C'est justement cette ambiguïté permanente, secret d'une Poésie moderne qu'il pousse encore plus loin que son modèle Alkpote, qui fait de lui un cas (social) à part dans le petit monde des rappeurs blancs. Quand bien même il prend un malin plaisir à planquer sa technique sous une bonne couche de nonchalance – comme Fuzati. Quand bien même il n'aime rien tant qu'à observer l'avilissement de la jeunesse occidentale – sauf qu'à la différence d'Orelsan, il n'en fait jamais un gimmick. Et quand bien même Eminem, dont il pourrait être le fils caché, si la science et la loi permettaient à ce dernier de se reproduire avec P'tit Quinquin de la série de Bruno Dumont, fut le premier à concilier avec un tel naturel agressivité sociologique et bonhomie pop.
À défaut d'avoir choisi cette famille, Vald, en sa qualité d'autiste autoproclamé (l'autisme étant, pour rappel, un trouble du développement qui, dans de rares cas, se double d'une excellence créative connue sous le nom de Syndrome du savant – CQFD) s'en est émancipé en un clin d'œil torve (à peine trois ans de carrière). Jusqu'où ira-t-il ?
Vald + La Smala + Illspokinn + Projay, jeudi 19 novembre à 20h30 à la Bifurk