Les Chevaliers blancs

Les Chevaliers blancs
De Joachim Lafosse (Fr-Bel 1h52) avec Vincent Lindon, Louise Bourgoin...

S’inspirant de l’affaire de l’Arche de Zoé, Joachim Lafosse confie à un Vincent Lindon vibrant un rôle d’humanitaire exalté prêt à tout pour exfiltrer des orphelins africains. L’année 2016 pourrait bien être aussi faste que la précédente pour le comédien récompensé à Cannes avec “La Loi du marché”.

Qu’il situe ses histoires dans le cadre intime d’une famille en train de se disloquer (Nue Propriété, À perdre la raison) ou, comme ici, au sein d’un groupe gagné par le doute et miné par les tensions, Joachim Lafosse suit film après film des schémas psychologiques comparables : il décrit des relations excessives, où un dominateur abusif exerce une subjugation dévastatrice sur son entourage. Cette figure charismatique n’est pas toujours animée dès le début d’intentions malveillantes : ainsi, le personnage que joue Lindon dans Les Chevaliers blancs est mû par une mission humanitaire qu’il considère comme supérieure à toute autre considération, toute contingence, y compris la sécurité des membres de son équipe.

La poursuite orgueilleuse de son idéal va le faire glisser dans une spirale perverse. Hors de tout manichéisme, Lafosse ne réduit pas ce mentor déviant aux seuls effets de sa malignité : sans chercher à l’exonérer, il le montre dévoré par de sincères souffrances ; pareil au Drogo du Désert des Tartares (fameux roman de Dino Buzzati), écrasé par la chaleur, l’attente, l’impatience – plus éprouvé et manipulé en somme que délibérément manipulateur.

Lindon en sa méthode

On ne s’étonnera pas de retrouver Vincent Lindon dans l’uniforme de ce chef de meute jusqu’au-boutiste – un rôle tout en tension, dont l’incandescence contenue lui sied à merveille. Sa décision de l’incarner, il a fondée sur une conjonction entre « l’envie immédiate, instinctive, animale d’être le personnage », sa crédibilité et le rapport humain qu’il imaginait pouvoir construire avec le réalisateur.

Car lorsque Lindon s’investit dans un film, c’est de manière plus que physique : entière, davantage qu’un comédien classique, comme il nous l'a déclaré. « Je suis un acteur qui adore être un compagnon énorme pour le metteur en scène ; être là tout le temps, présent pour l’épauler et, accessoirement, jouer la comédie entre “moteur” et “couper”. J’aime partager tout comme un assistant, un copilote. » Une approche maïeuticienne qui réclame aussi un lien exclusif – en résonance parfaite, donc, avec les préoccupations ordinaires de Lafosse. De là cette osmose, qui rend Les Chevaliers blancs si intense et humain, à la lisière permanente de l’explosion, alors que cette équipée de pieds nickelés aurait pu virer au pathétique.

Les Chevaliers blancs de Joachim Lafosse (Fr./Bel., 1h52) Avec Vincent Lindon, Louise Bourgoin, Valérie Donzelli, Reda Kateb, Bintou Rimtobaye…

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Jeudi 15 juillet 2021 ★★★☆☆ / Une carrosserie parfaitement lustrée et polie, un moteur qui rugit mais atteint trop vite sa vitesse de croisière pépère… En apparence du même métal que Grave, son premier et précédent long métrage, le nouveau...
Mardi 17 décembre 2019 Pâques aux tisons, Noël au balcon… des cinés. Grâce à Valérie Donzelli, la cathédrale de Paris revit à l’écran, personnage secondaire d’une délicieuse fantaisie sentimentale, burlesque et fantastique. Où il est aussi question de la place des femmes...
Vendredi 16 août 2019 de Maxime Giroux (Can, int. -12ans, 1h34) avec Martin Dubreuil, Romain Duris, Reda Kateb…
Mardi 23 mai 2017 Pour commémorer le centenaire de sa disparition, Jacques Doillon statufie Auguste Rodin dans ses œuvres. L’incandescence contenue de Vincent Lindon et le feu d’Izïa Higelin tempèrent heureusement une mise en scène par trop classique. En lice à...
Lundi 18 mai 2015 Comment un chômeur de longue durée se retrouve vigile et fait l’expérience d’une nouvelle forme d’aliénation par le travail : un pamphlet de Stéphane Brizé, radical dans son dispositif comme dans son propos, avec un fabuleux Vincent...
Mardi 7 avril 2015 De Brigitte Sy (FR, 1h37) avec Leïla Bekhti, Reda Kateb…
Mardi 7 avril 2015 Après un petit tour en salle de montage, le premier long de Ryan Gosling arrive en salles dans une version sensiblement plus digeste que celle vue à Cannes. Et s’avère un objet singulier, dont la poésie noire se distille au gré de ses fulgurances...
Mardi 31 mars 2015 Même si elle traduit un certain regain de forme de la part de Benoît Jacquot, cette nouvelle version du roman d’Octave Mirbeau a du mal à tenir ses promesses initiales, à l’inverse d’une Léa Seydoux épatante de bout en bout. Christophe Chabert
Mardi 13 janvier 2015 Adapté d’Albert Camus, le deuxième film de David Oelhoffen plonge un Viggo Mortensen francophone dans les premiers feux de la guerre d’Algérie, pour une œuvre classique et humaniste dans le meilleur sens du terme. Christophe Chabert
Mardi 2 septembre 2014 Dans une séquence élégamment distanciée, les personnages d’Hippocrate, tous médecins ou infirmiers, internes, externes ou chefs de service, se retrouvent (...)
Mardi 4 février 2014 Ancienne des beaux-arts, ex-Miss météo du Grand Journal sur Canal + récupérée par le cinéma industriel français, Louise Bourgoin s’affirme enfin comme une comédienne libre et accomplie avec "Un beau dimanche" de Nicole Garcia. Christophe Chabert

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X