Les pirates de l'art se la jouent Lowbrow

Lowbrow en France

Spacejunk

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Courant artistique enfanté sous le soleil californien et bercé par les différentes formes de contre-culture des années 1960 et 1970, le Lowbrow tourne le dos aux diktats de l’art contemporain pour mieux s’inspirer des icônes colorées de la culture populaire américaine. À l'occasion de l'exposition "Lowbrow en France" proposée par Spacejunk, on retrace son histoire. Damien Grimbert

Los Angeles, début des années 1960. Alors que le conceptualisme et le minimalisme entament leur règne sans partage sur le monde de l’art contemporain, un jeune artiste frondeur du nom de Robert Williams accumule frustration sur frustration. Il faut dire que ses références culturelles à lui se situent aux antipodes de ces deux courants : pulp magazines, comic-books, films de monstres de série B, magazines de charme, motos... Bref, les influences classiques d’un jeune adolescent de la classe moyenne américaine.

Après quelques années à décorer différents véhicules pour le compte de l'artiste d’Ed « Big Daddy » Roth, figure de proue de la « Kustom Kulture », il s’installe à San Francisco en 1969, dans le quartier de Haight-Ashbury, épicentre californien du mouvement psychédélique. C’est là qu’il va trouver enfin une famille d’adoption au sein de Zap Comix, une revue underground fondée par Robert Crumb qui va révolutionner le monde de la bande dessinée.

Dix ans plus tard sort son premier livre d’artiste, The Lowbrow Art of Robt. Williams. Lowbrow pour « bas du front ». En choisissant ce terme ironique, Williams n’a pas l’intention de faire école, il veut simplement cracher à la gueule de l’intelligentsia des Beaux-Arts qui n’a cessé de le mépriser, en dépit de ses évidentes capacités picturales.

Sortie de l’ombre

Premier de son genre, le livre fera pourtant date, et le terme de Lowbrow se transforme rapidement en étendard « par défaut » pour toute une génération d’artistes qui se reconnaissent dans la vision artistique de Williams. L’époque est à la contestation et le monde de l’art ne fait pas exception. Très vite, des réseaux se créent, de nouveaux noms surgissent : Gary Panter, Todd Schorr, Mark Ryden, Georganne Deen, Neon Park, Mike Kelley, Matt Groening, Raymond Pettibon, Joe Coleman, Kenny Scharf, Manuel Ocampo, The Clayton Brothers…

D’autant que deux phénomènes culturels naissants ne vont pas tarder à rejoindre les déjà nombreuses sources d’influences du mouvement : le skateboard d’une part, dont les planches vont rapidement se transformer en support parfait pour faire découvrir les graphismes irrévérencieux d’une flopée de nouveaux artistes, et la scène punk hardcore de l’autre, dont le goût pour le DIY, la violence et la remise en cause de toute forme d’autorité ne pouvait que séduire les artistes Lowbrow.

La deuxième partie des années 1980 verra donc la reconnaissance progressive du mouvement, avec un nombre croissant d’expositions collectives, la naissance des premières galeries spécialisées, les premières critiques enthousiastes… Sentant le vent tourner, Robert Williams enfonce le clou avec son Rubberneck Manifesto, qui introduit son livre de 1989 Visual AddictionIt isn’t what you like; it’s what the fuck you want to see ! Art is not the slave of decoration »). Puis récidive 5 ans plus tard en créant le magazine-phare Juxtapoz, qui devient rapidement l’un des magazines d’art les plus lus des États-Unis.

Nouvelle école

Comme pour tout mouvement artistique alternatif, la reconnaissance peut rapidement prendre la forme d’un cercueil doré. Elle précède en général l’institutionnalisation, suivie de l’inévitable stagnation. Trois phénomènes parallèles ont néanmoins permis d’éviter cette dernière. Le premier est la naissance du courant pop surréaliste, une sous-division du Lowbrow apparue à la fin des années 1990 et au début des années 2000 le terme, créé par l’artiste Kenny Scharf, ne commencera cependant à être employé qu’à partir de 2004.

Plus esthétique, plus raffiné, ce courant, symbolisé par des artistes comme Mark Ryden, Alex Gross, Todd Schorr, Joe Sorren ou Ray Caesar, garde les sources d’inspiration initiales du Lowbrow (dessins animés, comic-books, littérature pulp…) mais substitue à sa rugosité et à sa crudité originelles un sens du détail et une maîtrise picturale empruntés aux traditions des grands maîtres de la peinture figurative européenne, toutes époques confondues. Non seulement assumées, les influences formelles (Bosch, Botticelli, Vinci, Goya, Vélasquez, Van Gogh, Picasso, Dalí...) sont même souvent fièrement revendiquées par des références directes aux œuvres de ces derniers.

De la Californie au monde

Le deuxième phénomène à avoir permis au Lowbrow d’évoluer est lié à l’apparition d’une nouvelle génération d’artistes passés par l’école du graffiti. Né dans les ghettos urbains dans les années 1970 et 1980 (contrairement au Lowbrow qui est longtemps resté l’apanage d’artistes issus des classes moyennes suburbaines blanches), le graffiti s’est lui aussi popularisé à l’orée des années 1990, ce qui a permis une rencontre entre les deux courants au début des années 2000, la culture skate jouant fréquemment le rôle d’entremetteuse.

Ce qui nous amène à la dernière, et sans doute plus passionnante évolution du Lowbrow : son internationalisation. Courant artistique 100% californien à sa création, le Lowbrow a non seulement dépassé les frontières de l’État, mais également celles du pays lui-même. De nouveaux artistes sont ainsi apparus aux quatre coins du globe, fusionnant dans leurs œuvres les influences de la pop culture américaine à leur propre contexte socioculturel dans un syncrétisme artistique des plus fascinants. Mouvement précurseur, populaire et indiscipliné longtemps resté dans l’ombre, le Lowbrow semble enfin avoir acquis sa place au soleil…

Critique de l'expo Lowbrow en France présentée à Spacejunk.

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