Alors qu'ils vont chacun présenter une pièce début mars dans l'agglo, on est partis à la rencontre de Yoann Bourgeois et Rachid Ouramdane, les tout nouveaux directeurs du Centre chorégraphique national de Grenoble qui succèdent ainsi à Jean-Claude Gallotta. Quel est leur projet commun vu que l'un vient des arts du cirque et l'autre de la danse contemporaine ? Réponses.
Depuis le 1er janvier 2016, le Centre chorégraphique national de Grenoble (CCNG), précédemment dirigé pendant plus de trente ans par le ponte de la danse contemporaine Jean-Claude Gallotta, a deux directeurs à sa tête : Rachid Ouramdane et Yoann Bourgeois. Une configuration bicéphale inédite, d'autant plus que l'un des deux (Yoann Bourgeois) vient des arts du cirque : une petite révolution dans le paysage un brin figé des centres chorégraphique nationaux. « Notre duo est né étape par étape. Ça faisait quelques années qu'on se croisait, on était spectateur attentif du travail de l'autre. Et on s'est davantage rencontrés en tant que personne lors des réflexions autour d'un possible nouvel outil pour la danse à la MC2 » explique Yoann Bourgeois.
Ce « nouvel outil », baptisé un temps hub, était très ambitieux, mais le Ministère de la culture a finalement fait machine arrière et conservé la forme centre chorégraphique national (en place depuis le début des années 1980), alors que les autres partenaires publics (comme la Ville de Grenoble) semblaient convaincus par ce hub. Rachid Ouramdane : « Finalement, il y a eu un appel à candidatures plus classique auquel on a répondu de façon pas très classique ! »
« Un lieu très pluridisciplinaire »
« Pour le CCNG, on a imaginé un lieu de création autour des arts du geste qui soit dynamique et corresponde à son temps » (Rachid Ouramdane). Les « arts du geste » donc, pour imbriquer pleinement la danse et le nouveau cirque. « Mais ce n'est pas une nouvelle discipline. Les arts du geste, c'est simplement une expression qui permet de déjouer la question disciplinaire » (Yoann Bourgeois).
Sachant que les frontières entre les univers des deux artistes ne sont pas si évidentes, comme le résume Rachid Ouramdane. « Aujourd'hui, je suis une sorte d'ambassadeur incarnant la danse dans ce qu'elle a de plus profond alors que je viens quand même de me taper vingt années de parcours chorégraphique où l'on se demandait souvent si je faisais de la danse ! Mais comme aujourd'hui je viens de faire deux ou trois projets où ça danse un peu plus, ça y est, je serais le danseur et lui le circassien ! Mais les premières pièces de Yoann étaient beaucoup plus chorégraphiques que les miennes. »
Un mariage qui prend tout son sens sur le papier en cette période où les artistes semblent justement ne plus faire cas des barrières entre les disciplines. Du coup, Rachid Ouramdane l'assure, « ce centre chorégraphique sera un lieu très pluridisciplinaire et transversal, d'où la complicité avec la MC2. On ne sera pas le circassien et le chorégraphe de la MC2 ». Au fil des saisons, on pourra souvent voir à la maison de la culture les spectacles des deux directeurs ainsi que ceux des artistes qu'ils soutiennent.
« Régénérer les institutions »
À 34 (Yoann Bourgeois) et 44 ans (Rachid Ouramdane), les voici donc officiellement directeurs d'une machine qui ne leur permettra plus d'être "seulement des créateurs" (un CCN a de nombreuses missions outre celle de création – la diffusion, la médiation avec les publics, la formation...). Pourquoi avoir postulé à la tête d'un mastodonte comme le CCNG alors que la carrière de chacun était déjà très bien avancée, tant au niveau national qu'international ?
Yoann Bourgeois : « C'est sûr qu'économiquement, on n'avait tous les deux pas besoin d'un CCN pour produire nos pièces. Mais c'est une sorte d'engagement politique : on veut régénérer les institutions avec la singularité de nos pratiques. Et d'un point de vue plus personnel, il y a aussi le besoin de changer de temporalité, de ne plus voir projet après projet mais de pouvoir inscrire un processus au long cours. » Rachid Ouramdane : « Peut-être que certains nous ont appris à voir un CCN comme leur compagnie. Pour nous, aller vers un CCN, c'est faire plus que ce que l'on fait en tant que compagnie. On n'est pas tant là pour le bâtiment et ses moyens que pour la qualité de temps qu'il va nous permettre d'avoir. »
Ils pourront ainsi développer leur ambition pour le CCNG, qu'ils voient comme un outil plein de possibles. Rachid Ouramdane : « On veut s''inscrire dans l'ADN de la ville. Il faut une forme de quotidienneté avec la ville. » Avec l'envie de sortir épisodiquement des murs de la MC2, d'investir divers lieux de Grenoble. Ils iront par exemple régulièrement à la rencontre de la population, notamment lors d'événements baptisés "Grands rassemblements". Un premier est envisagé pour juin, afin de véritablement lancer leur aventure CCN.
D'ici là, on pourra les croiser début mars avec des spectacles : Minuit, tentatives d'approches d'un point de suspension pour Yoann Bourgeois, programme fait de plusieurs petites formes (il sera même interprète dans certaines) ; et L'Émoi du monde pour Rachid Ouramdane, soirée faite de deux pièces dont l'une convoquera sur scène vingt-quatre danseurs du Ballet de l'Opéra de Lyon.
Minuit, tentatives d'approches d'un point de suspension, mardi 1er et mercredi 2 mars à l'Odyssée (Eybens)
L'Émoi du monde, du mercredi 2 au vendredi 4 mars à la MC2