de Atom Egoyan (Can., 1h35) avec Christopher Plummer, Martin Landau, Bruno Ganz...
Dénué de quiétude, le cinéma d'Atom Egoyan porte en lui les remous d'un drame originel, d'une fracture violente dont chaque film observe les conséquences — ou plutôt, les séquelles. Nul besoin d'être grand clerc pour déceler dans cette obsession comme dans ses nombreux films marqués par les voyages ou les pèlerinages, des références au cataclysme que fut le génocide des Arméniens. Egoyan a fait de la mémoire des disparus l'un des piliers majeurs de sa carrière, et des survivants leurs dépositaires luttant pour qu'elle ne soit pas oblitérée. Sans doute le plus connu, De beaux lendemains (1997) en constitue un exemple loin d'être isolé : Exotica (1994) ou plus récemment Captives (2014) racontaient en adoptant la forme du thriller comment ceux qui restent dissolvent leur vie présente dans réactivation obstinée de leurs souvenirs.
Remember croise à nouveau les genres en mêlant thématique historique (de la grande Histoire, puisqu'il s'agit de la traque d'un ancien nazi) avec structure de polar. Le fait que le personnage principal souffre de troubles de la mémoire n'est pas en soi nouveau — Angel Heart (1986) d'Alan Parker ou Memento (2000) de Christopher Nolan usent de pareils ressorts — ; il se révèle en revanche d'une haute symbolique dans un film faisant écho à la problématique du “devoir de mémoire.” Si le temps fait son œuvre, son écoulement ne vaut pas absolution ni prescription — pas plus que l'oubli, consécutif à un refoulement inconscient ou à la sénilité. Remember est un mantra insistant montrant que rien ne doit, ne peut empêcher la Justice des Hommes de passer. Il n'incite pas à se substituer à son application, mais rappelle que l'individu doit répondre des actes commis. Et en bonus, donne quelques images révélatrices de l'Amérique contemporaine... qui aurait, justement, besoin de leçons de mémoire. VR