Serge Papagalli : Dauphinois gratiné

Presque Falstaff... et les autres

MC2

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Portrait / Alors qu'il est en ce moment à la MC2 à l'affiche de "Presque Falstaff... et les autres", pièce écrite par son complice Gilles Arbona, on est allés à la rencontre de Serge Papagalli, le plus dauphinois des comédiens, auteurs et metteurs en scène de France. Histoire de revenir avec lui sur une très longue carrière (du théâtre, des sketchs, la série "Kaamelott"...) qui est visiblement loin d'être terminée. Tant mieux.

« J'ai toujours eu la chance de travailler avec des gens que j'aime bien et qui m'aiment bien. Je ne les choisis jamais en fonction de leurs qualités intrinsèques ou je ne sais pas quoi. Bien sûr, s'ils sont bons, ce n'est pas plus mal ! » Voilà comment le Grenoblois Serge Papagalli, 69 ans, résume sa foisonnante carrière qui pourrait perdre plus d'un biographe. On le retrouve dans les studios de France Bleu Isère, radio sur laquelle il tient une chronique matinale depuis 15 ans, pour évoquer tout ça, et notamment le fait qu'il soit difficilement classable.

« Mon éclectisme a été une difficulté au départ, indéniablement – je parle de temps plus anciens comme j'ai commencé le théâtre en 1971 ! Il fallait choisir d'être dans le music-hall burlesque ou dans le théâtre dit public. En gros, choisir entre Coluche et Shakespeare. Pas mal d'amis ont pris une rubrique et y sont restés toute leur carrière, ce qui leur a financièrement sans doute mieux réussi qu'à moi. Sauf que moi, j'aime autant le hard rock que le baroque ! »

« Rire des choses dramatiques »

Retour en arrière. Serge Papagalli voit le jour en 1947, à Grenoble, de grand-père maternel paysan sur le plateau matheysin, de grand-mère maternelle suisse et de père italien. « Je suis donc italo-dauphinois. Je suis très attaché à cette culture italienne. Quand on me demande mes maîtres à penser, je cite tout de suite le cinéma italien des années 1960. Cette façon de faire des tragédies burlesques, de ne rire que de choses dramatiques, me plaît beaucoup. C'est d'ailleurs ce que je fais dans tous mes spectacles. Le rire qui s'appuie sur le problème de cul de ta copine ou sur ton dernier SMS reçu, je n'en ai rien à péter. »

D'accord. Mais comment un jeune homme comme lui, qui n'a jamais voulu faire comédien depuis tout petit et n'a même pas tenté de rentrer dans un conservatoire, en est-il arrivé là où il est aujourd'hui ? « Je vais dire une phrase un peu cliché mais on s'en fout, on n'est pas à un cliché près : c'est le spectacle qui m'a choisi ! Tu m'aurais posé la question à l'époque sur ce que je voulais faire, je n'aurais pas su quoi répondre. Ça a été un glissement progressif... Il n'y a pas un moment où je me suis dit : je veux faire ça, point. Je suis dans l'instinct, dans l'animalité. Mais c'est sans doute l'époque qui le permettait. »

Après un bac philo en poche, il commence même des études pour être vétérinaire (« oui, c'est fou ! ») avant de faire plusieurs petits boulots – dont « éducateur pour cas sociaux comme on disait à l'époque ». En parallèle, il s'essaie au théâtre amateur pour enfants (« c'est ce qui a paru le plus simple ») avec sa femme et des amis. Une aventure qui, un beau jour, presque sur un coup de tête, devient son activité principale. « Ça a cartonné pratiquement tout de suite parce qu'on était rock'n'roll, avec des marionnettes qui faisaient 1m20. Ça changeait du traditionnel "il est où le loup ? il est là". La première année, on a joué 257 fois ! Mais bon, financièrement, on n'a pas gagné notre croûte tout de suite. Les dix premières années, on a survécu comme on a pu, mais on a fait la bringue 24h/24 : c'était le bonheur ! »

« Mon seul regret »

Pourtant, après six années passées à jouer pour les plus jeunes, Serge Papagalli se sent à l'étroit. Il veut écrire pour le tout public. Et, pourquoi pas, faire rire. Après l'écriture d'un premier texte « assez noir sur l'agoraphobie », il rencontre le succès avec des pièces à sketchs, dont Plus la peine de frimer en 1982. En 1983, il crée son premier one-man-show, Un palmier dans la tête, grâce auquel son personnage à fort accent dauphinois va devenir culte dans la région grenobloise – il est toujours à son répertoire et s'est vu ajouter une famille (les Maudru). « À Grenoble, les gens faisaient la queue pour venir nous voir ! » Il passe par le Festival de performance d'acteur à Cannes, le Café de la Gare et à l'Olympia à Paris : la carrière semble lancée.

« À Paris, on cartonnait sans pub. Patrice Leconte et le Splendid étaient dans le public. Claude Villers est même venu me chercher pour remplacer Desproges dans Le Tribunal des flagrants délires vers la fin de l'émission ! Je ne suis pas dans le calcul mais, là, j'aurais dû dire : je reste à Paris. C'est vraiment mon seul regret. J'aurais ensuite pu faire ce qu'on fait les Nuls ou les Robins des bois, comme quelques années après arrivait Canal +. Et j'en serais peut-être à mon 80e film. »

Sauf qu'à l'époque, après un passage lucratif par le Festival d'Avignon (« on avait signé plus de 100 contrats en un été ! »), il entame une grande tournée. Et, surtout, accepte la proposition de la Ville de Grenoble (période Hubert Dubedout en maire et René Rizzardo en adjoint à la culture) de prendre la tête du Théâtre 145, situé au bout du cours Berriat. « C'était essentiellement axé sur l'humour : on a fait venir Le Café de Gare, Valérie Lemercier à ses débuts, Jamel Debbouze bien plus tard ... » Il en sera le directeur de 1983 à 1999. « Ça a été une expérience merveilleuse mais nous avions tout de même très peu de subventions les dernières années. J'ai donc préféré partir car la gestion était lourde. Aujourd'hui d'ailleurs je ne peux plus y jouer, ça fait définitivement partie de mon passé. »

Il y reviendra néanmoins en 2011 avec une casquette inattendue : celle de directeur du collectif Tricycle, projet réunissant le Théâtre 145 et le Théâtre de poche mis en place par la municipalité Michel Destot pour soutenir la création locale. « C'est Éliane Baracetti, ministre de la culture de Grenoble à l'époque, qui me l'avait demandé. C'est une amie de longue date, j'ai dit oui à 60 % pour elle et à 40% pour le plaisir de pouvoir aider des jeunes compagnies. » Projet qui, au passage, s'arrêtera cet été, la municipalité Éric Piolle ayant souhaité reprendre les deux lieux en régie directe.

« On m'en parle encore ! »

Aujourd'hui, Serge Papagalli continue donc son chemin sinueux mais cohérent : comme comédien (en ce moment à la MC2 dans Presque Falstaff... et les autres, au cinéma dans Les Visiteurs 3 dans le rôle d'un cocher...) ou comme auteur – une nouvelle pièce sur la famille dauphinoise (Nid de frelons) à voir au Théâtre de Grenoble en décembre, un solo prévu pour l'année prochaine ou encore un spectacle sur une maison de retraite pour vieux comédiens avec pas mal de figures grenobloises – Patrick Zimmermann, Gilles Arbona, « peut-être » Jean-Vincent Brisa, lui-même...

Et, au milieu de tout ça, la suite sur grand écran (le tournage devrait commencer cet automne) de l'aventure télévisée Kaamelott (2005 – 2009). « On a fini de tourner ça en 1922 mais on m'en parle encore ! » Il y joue le paysan râleur Guethenoc qui vient souvent se plaindre auprès du roi Arthur. « Alexandre Astier [le créateur et rôle principal] avait vu une partie de mes spectacles. Il m'a alors appelé pour me proposer un rôle dans un projet de série sur des Chevaliers de la table ronde complètement cons : j'ai dit oui tout de suite ! Au début, on ne savait pas ce que ça allait devenir. On a tourné cinq ans ensemble, et ça a pris la dimension qu'on connaît tous. J'ai vraiment eu la chance de tomber sur un mec qui, tout simplement, a du talent. Et même si l'on est de générations différentes, on est en osmose absolue sur la forme d'humour. »

Une aventure qui confirme bien que Serge Papagalli travaille avant tout avec le cœur – sa femme est même comédienne dans pas mal de ses spectacles. « Je suis beaucoup plus à l'aise quand je suis décontracté en amitié. » Ça se voit, et c'est justement ce qui fait la force de ce comédien attachant, véritable star locale et plus encore.

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