Alors que sort ce mercredi sur les écrans "Elle", film du revenant Paul Verhoeven ("Basic Instinct") dans lequel elle tient le premier rôle, on s'intéresse à Isabelle Huppert, actrice qui illumine et torture le cinéma français depuis plus de trente ans. La preuve par neuf. Aurélien Martinez et Vincent Raymond
Les Valseuses (1974)
Si la carrière de cette jeune fille bien née (dans le très huppé XVIe arrondissement de Paris) débute doucement au début des années 1970 avec des seconds rôles chez Nina Companeez et Claude Sautet, on la retrouve dès 1974 à l'affiche d'un drôle de film aujourd'hui devenu culte : Les Valseuses de Bertrand Biler.
L'espace de quelques minutes, elle incarne Jacqueline, « pauvre petite chérie de 16 ans qui n'a pas encore baisé » comme s'en inquiète Miou-Miou. Depardieu et Dewaere la réconforteront à leur manière.
Violette Nozière (1978)
1978 est l'année de la première collaboration entre Isabelle Huppert et le réalisateur Claude Chabrol. Sept autres suivront – Madame Bovary, Merci pour le chocolat, L'Ivresse du pouvoir... Un Chabrol qui lui permettra ainsi d'obtenir son premier Prix d'interprétation cannois à 25 ans avec ce drame dans lequel elle incarne une fille convaincue d'empoisonnement et de parricide : un rôle intense comme elle en aura souvent dans sa carrière, certains réalisateurs ne semblant l'imaginer que sous cet angle.
Pour l'anecdote, Chabrol l'emmènera également vers son (pour l'instant) seul César de la meilleure actrice (malgré quinze nominations) en 1996 avec La Cérémonie.
Les Sœurs Brontë (1979)
Lorsque André Téchiné consacre un biopic à la fratrie britannique romantique, est-il en quête (au moins inconsciente) d'une égérie ? Il vient de tourner Barocco avec Adjani dont il fait son Emily aux côtés d'Huppert (Anne) et de Marie-France Pisier (Charlotte). Devant sa caméra, dans la lande brumeuse, va naître entre les deux Isabelle la plus sourde des rivalités artistiques.
Résultat : des sœurs fâchées, un film languide, humide et crépusculaire. Téchiné optera pour Catherine Deneuve dès sa réalisation suivante.
La Porte du Paradis (1980)
Ça aurait pu, ou dû, être le début du rêve américain... Michael Cimino offre à Isabelle Huppert le premier rôle féminin de sa nouvelle fresque, un western épique et prometteur où elle apparaît en ange radieux et sensuel, éprise de deux hommes. Un chef-d'œuvre hélas maudit, qui scelle le sort de sa carrière outre-Atlantique.
Quelques rares incursions suivent cependant, mais dans des films mineurs de Curtis Hanson, David O. Russell ou Hal Hartley.
Coup de torchon (1981)
Aussitôt que Chabrol lui a eu fait quitter la rousseur innocente de l'enfance, Huppert s'épanouit en explorant des registres plus troubles – comme si elle tenait à prendre sa revanche en endossant des rôles de femmes fatales, manipulatrices et vénales.
Dans la nuisette satinée de Rose, la maîtresse du veule Lucien (Philippe Noiret), elle joue à merveille pour Tavernier la fausse ingénuité, laissant affleurer une sulfureuse perversité. Le vice lui va si bien.
La Pianiste (2001)
Deuxième Prix d'interprétation au Festival de Cannes grâce à sa première collaboration avec le réalisateur Michael Haneke – le binôme se retrouvera ensuite sur plusieurs autres projets, dont le à venir Happy End sur la crise des migrants vue par un couple de bourgeois (mais quel rôle pourra bien jouer Isabelle Huppert ?!).
Ici, l'Autrichien la filme magistralement en prof de piano méprisante qui va se lancer dans une relation sado-masochiste avec un élève – Benoît Magimel, lui aussi primé. Mais ce sont surtout les scènes avec Annie Girardot (sa mère à l'écran) qui glacent le sang : du pur Huppert.
Huit femmes (2002)
Catherine Deneuve en bourgeoise classieuse, Fanny Ardant en vamp sublime, Emmanuelle Béart en domestique aguicheuse... Avec ce pseudo cluedo (un meurtre vient tout juste d'être commis), François Ozon réunit un casting 8 étoiles. Et confie le rôle de la vieille fille acariâtre à Isabelle Huppert, qui n'a pas eu peur de s'enlaidir face à ses camarades plutôt à leur avantage.
Oui, Isabelle Huppert peut être une grande comique – et aussi une chanteuse émouvante sur le Message personnel de Françoise Hardy.
Gabrielle (2005)
Première rencontre cinématographique entre Isabelle Huppert et Patrice Chéreau avec ce huis clos où un couple de bourgeois se délite au début du XXe siècle. La symbiose entre les deux artistes est parfaite, sans doute alimentée par le même amour pour le théâtre – la carrière d'Huppert sur les planches est très riche.
La comédienne (dite) cérébrale se coule ainsi dans le corset cinématographique de Chéreau (adapté d'une nouvelle de Joseph Conrad) faisant montre d'un impressionnant jeu tout en retenu. La marque Huppert en somme.
Villa Amalia (2009)
Toute la filmographie d'Isabelle Huppert peut être résumée dans ce rôle de femme trompée choisissant de tout quitter. Alors qu'elle est paradoxalement de tous les plans, la comédienne disparaît devant la caméra de Benoît Jacquot, son enveloppe corporelle semblant presque superflue.
Reste une présence et, surtout, une force magnétique énigmatique fascinante, à l'image de l'ensemble de sa carrière.