Champion paraît-il raté mais musicien réussi, Max Jury, homme-enfant autant qu'homme-piano, en impose sacrément avec son premier album de grandes ballades au cœur débordant. Tellement que c'en est presque effrayant. L'Histoire jugera ; pour l'instant, elle l'embrasse. En concert gratuit à la Belle électrique.
« Ah, moi tu sais, si j'avais pas eu une sale blessure, aujourd'hui, je serais joueur pro. » On connaît tous au moins dix personnes passées à une rupture des ligaments croisés, à un ongle (ou même un cheveu) incarné, d'une carrière d'athlète de haut-niveau – fichu destin. Et devant le conseiller en marketing ex-futur vainqueur de la Coupe Davis, l'ouvreur de portières plutôt que du XV de France ou papa, qui a bien connu Platini a 13 ans, on navigue entre compassion sincère et répression d'un « ouais, c'est ça mon œil, tu sais à peine à courir ».
Selon sa propre légende, on peut ajouter l'Américain Max Jury (23 ans) qui ne serait pas passé loin d'une potentielle carrière de basketteur en NBA et qui, du coup, se retrouve chanteur acclamé – le pauvre. Cheville et genou en colimaçon dès 14 ans (à « ça » de la NBA, on vous dit), âge auquel il est déjà aussi à fond dans la musique, l'adolescent de Des Moines (Iowa), pas franchement tanké comme Lebron James de toute façon, grandit entre les trailer parks, ces maisons-wagons à redneck qui font le sel de l'Americana déviante en même temps que l'essentiel de l'électorat de Donald Trump, et le Berklee College of Music, sorte de Harvard des musiciens. Et le voilà premier album en poche, rookie au pays des rock stars.
Candle in the wind
Le dispositif musical ? Un homme jeune composant au piano, avec des facilités déconcertantes, des chansons qui vous mitraillent longtemps le cerveau (Great American Novel, Dreams), entre évidence et sophistication, grandiloquence, humour et/ou éploration. Voilà qui appelle forcément la comparaison piochée dans un spectre de confrères allant de Gabriel Kahane, Chris Garneau et Tobias Jesso Jr. à Elton John et même Randy Newman en passant par Rufus Wainwright (pour lequel il a ouvert la scène en tournée).
Comme eux, Max et ses envolées gospel-soul (sa patte à lui) ne semblent pas enclins à la retenue musicale. Or, comme c'est le cas chez ses confrères, cela séduit l'auditeur autant que cela peut effrayer qui se donne la peine d'écouter la chose de biais. Le too much est à la porte, la soul proche de la saoulerie, la rupture proche, à vous faire basculer un garçon dans le vent vers le Candle in the wind. Attention au claquage, Max !
Max Jury
Au Ninkasi Kao Jeudi 6 avril