Gilles Perret : « Un film sur la Sécu n'est pas forcément chiant »

La Sociale
De Gilles Perret et Michel Ethievent (Fr, 1h30) Documentaire

Interview / Gilles Perret retrace la genèse de son tonique documentaire "La Sociale", salutaire hommage au fondateur de la Sécu tourné dans une indépendance farouche pas totalement volontaire…

Vous auriez pu appeler ce documentaire Vive la Sociale !, si Gérard Mordillat n’avait pas déjà utilisé le titre…

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Gilles Perret : (rires) Ç’aurait été totalement adapté, en effet ! On avait dans l’idée de prendre un titre positif, beau, jouissif, parce que c’est quand même une belle histoire que celle de la Sécu. "La Sociale" est plus modeste, mais on a pris le parti d’une affiche sans carte vitale, mais moderne et combative, qui donne envie aux spectateurs hésitants. Pour qu’ils ne soient pas rebutés par un côté trop noir et blanc ni militant. On ne saura jamais si c’est une bonne idée ou pas…

Comment vous êtes-vous intéressé à ce personnage historique qu’était Ambroise Croizat ?

J’en avais déjà parlé dans De mémoires d’ouvriers, et c’était pour moi une injustice qu’on ne le connaisse pas davantage. Je me suis donc appuyé sur le travail de Michel Étiévent – l’historien que l’on voit dans le film – qui a fait un énorme boulot pour le réhabiliter. J’avais aussi envie de faire un film de cinéma incarné, car Croizat a eu une vie romanesque : de la misère ouvrière au poste de ministre en passant par le bagne. Tout un combat, et sans enrichissement personnel ! Le pire, c’est qu’il meurt jeune, en oubliant de se soigner, alors qu’il a mis en place la Sécu.

Vous avez bénéficié d’un témoin privilégié, en la personne de Jolfred Frégonara, un authentique vétéran de Sécu…

On a l’impression que je tourne dans mon coin en Haute-Savoie, mais c’est le hasard qui m’a conduit vers “Frego“ le Savoyard. J’avais ameuté les réseaux des comités d’histoire et de direction de la Sécurité sociale comme de la CGT en leur demandant s’ils connaissaient quelqu’un ayant eu un rôle au moment de la création de la Sécu – un salarié ou un administrateur ayant installé un bureau m’aurait suffi.

Un gars de la CGT m’a orienté vers Jolfred Frégonara. Je l’ai appelé et je suis tombé sur un bonhomme de 96 ans à l’époque qui m’a dit : « Je vous connais, j’ai acheté tous vos DVD sur Internet ! » Et là, ça a été réglé (rires). Je me suis appuyé sur lui à fond ; il a mis toute son énergie, et de l’urgence, dans ce film. Il est décédé en août dernier.

Plus aucun officiel ne faisait appel à lui ?

Il était passé sous les écrans radars, même s’il prenait toujours sa carte à la CGT depuis 1936 ! Malgré son activité militante très faible, Frego avait toujours le cerveau en ébullition : il lisait les journaux ; quand il y avait quelque chose qui ne comprenait pas, il allait voir sur Internet, il achetait un bouquin sur les questions économiques…

Pour le film, il a fait une conférence devant des jeunes avec trois notes qui se couraient après. Je suis sûr qu’ils ne sont pas prêts d’oublier son témoignage : il les a fait pleurer et rire, en redonnant une dimension politique à la Sécu, et leur rappelant qu’elle n’est pas qu’une question de chiffres et de gestionnaires.

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