C'est au cœur des montagnes que le 9e art a fait ses premières bulles. Presque deux siècles plus tard, c'est aux pieds de ces dernières que cet art, la bande dessinée, s'expose de planches colorées en crayonnés noirs pour mettre en vignette les rapports entre l'homme et les cimes. Une ascension délicieuse, à réaliser au Musée de l'Ancien Évêché.
Remplir les bulles de sommets, cela fait longtemps que les dessinateurs et scénaristes s'y appliquent. Le premier en date est le Suisse Rodolphe Töpffer qui, en 1827 dans les Alpes, s'adonne à un nouvel exercice, celui d'une narration par planches dessinées. Avec ses Amours de monsieur Vieux Bois, la bande dessinée voit s'esquisser ses premières vignettes en même temps que l'homme arpente les montagnes, l'exploration des massifs traduisant les changements sociétaux d'une modernité en marche. Un bouleversement dont s'emparent les auteurs, comme Aristide Perré avec Poucette Trottin ou encore Émile-Joseph-Porphyre Pinchon avec sa fameuse Bécassine.
Une recherche des différentes représentations de cette nature toujours d'actualité, qu'elle soit lieu de conquête ou élément personnifié, que le Musée de l'Ancien Évêché déploie entre ses murs grâce à une scénographie subtile le long de l'exposition Pic & bulle, la montagne dans la BD. Avec pas moins de 90 auteurs, 200 planches originales, 15 albums historiques et 62 reproductions numériques, la proposition offre un corpus varié qui analyse l'esthétique, l'histoire et la sémiologie de cet objet dans lequel les cimes s'immiscent, de Tintin à Névé, pour ravir les bédéphiles comme les curieux.
Volume 1 – Gravir la montagne
Équipé d'une corde comme Tintin ou chaussé de skis façon Lucky Luke, le premier chapitre de l'exposition slalome sur le terrain de la BD franco-belge. Ici, la montagne incarne de case en case un voyage initiatique, un environnement réparateur ou encore un labyrinthe policier. Entre contemplation et conquête, elle est régénératrice dans l'album Tintin au Tibet de Hergé, devient récit de vie avec Les Chevaux du vent de Christian Lax et Jean-Claude Fournier et un espace à conquérir pour L'Aigle sans orteils du même Lax.
Un déroulé de planches et de dessins qui met en bulles les diverses représentations des sommets, avec des esthétiques multiples, de l'aquarelle fluide au noir et blanc en passant par le traitement numérique. Avec également un focus sur des auteurs tels que Cosey, qui porte un regard écologique sur le sujet, Sergio Toppi, grand maître italien de la BD, ou encore Derib, pour des dessins d'après nature.
Quant aux ouvrages Le Secret de la goule rouge de René Bonnet et Les Amants de l'Oisans de Nelly Moriquand et Fabien Lacaf, ils sont découpés de l'idée jusqu'à la réalisation, dévoilant les secrets de fabrication d'une BD.
Volume 2 – Styliser la montagne
Mais plus que les mystères bien gardés du gaufrier, le plan de Pic & Bulle est de mettre en lumière la multiplicité des regards stylistiques portés sur cette figure de la montagne, devenant à la fin du XXe siècle un véritable domaine d'expérimentation pour les romans graphiques. C'est ainsi que le deuxième chapitre du parcours laisse place à des auteurs qui élaborent, par monts et rochers, une nouvelle écriture graphique où la montagne n'est plus seulement divertissement mais expérience visuelle.
Cette approche nouvelle de l'art séquentiel est sillonnée par des artistes comme Jean-Marc Rochette avec Himalaya Vaudou (où l'environnement devient théâtral) et Amélie Fléchais avec son Homme montagne, dont la planche originale révèle un dessin d'une finesse et d'une poésie saisissantes.
Volume 3 – Japoniser la montagne
Le dernier volet de cette visite, haute en vertige et en couleur, plonge dans l'art du manga. À travers 18 planches, on découvre l'extrême délicatesse du trait asiatique où l'hommage est fait à la beauté et l'immensité de cette nature. Mais ici, la montagne est plus un obstacle à gravir ou la personnification froide de la mort.
La visite de l'exposition se finit ensuite avec un documentaire sur Christian Lax et un coin lecture. De pic en bulle, le musée déroule ainsi un sublime panorama de la montagne dans la BD, à la fois contemplatif et philosophique, pour les petits comme les grands.
Pic & Bulle, la montagne dans la BD
Au Musée de l'Ancien Évêché jusqu'au 30 avril