Le Danois Thomas Vinterberg, réalisateur du célèbre "Festen", renoue avec son thème de prédilection (l'étude des dynamiques de groupes en vase clos) en exhumant des souvenirs de sa propre enfance au sein d'une communauté. Chroniques sans filtre d'un passé pour lui révolu.
Les années 1970, au Danemark. Plutôt que de revendre la vaste demeure familiale qu'ils ont héritée, Erik, Anna et leur fille Freja la transforment en une communauté ouverte à une poignée d'amis ainsi qu'à quelques inconnus démocratiquement sélectionnés. Le concept est splendide, mais l'idéal se heurte vite aux murs de la réalité...
À l'inverse de Festen (1998), film adapté en pièce de théâtre, La Communauté fut d'abord un matériau créé pour les planches à Vienne avant d'être transposé pour l'écran. Pourtant, et bien que le sujet s'y prête, Thomas Vinterberg ne se laisse jamais enfermer par le dispositif du huis clos. Prétexte de l'histoire, ce foyer partagé ne fusionne pas les personnages en une masse compacte façon "auberge espagnole" à la sauce nordique : il aurait plutôt tendance à les individualiser, à diffracter leurs trajectoires.
À sa manière, la communauté agit en effet comme un accélérateur sur ces particules élémentaires que sont les individus, provoquant collisions et (ré)percussions, mais également des créations d'"espèces chimiques" inconnues – en l'occurrence, des situations inenvisageables auparavant... pour le meilleur comme le pire.
Fission (de la famille) nucléaire
Initiatrice enthousiaste de cette expérience collective, Anna va ainsi connaître un parcours douloureux à la Gena Rowlands dans les œuvres de Cassavetes (influence revendiquée par Vinterberg), tandis que son Erik d'époux entamera une nouvelle existence et que leur adolescente vivra ses premiers émois hors du nid dans les bras d'un jeune voisin – cela au milieu d'un enchevêtrement d'intrigues partagées. Créer une communauté, c'est parfois ouvrir la porte à toutes les fenêtres !
Témoin d'un passé bien évanoui, identifié non seulement par des marqueurs temporels évidents (couleurs ambiantes beigeasses, mode vestimentaires...), ainsi que par des pratiques désormais interdites (surconsommation de tabac ou d'alcool, désinhibition naturelle des personnages), La Communauté lorgne également vers l'esthétique de cette époque avec ses lumières un peu graisseuses. En dépit des tensions et des douleurs inévitables qu'il raconte, il s'agit du film de groupe le plus apaisé de Vinterberg ; comme si le réalisateur n'avait pu s'empêcher en le faisant d'être gagné par une bouffée de nostalgie résiduelle. Elle est contagieuse.
La Communauté
de Thomas Vinterberg (Dan.-P.-B-Sué., int.-12 ans, 1h51) avec Trine Dyrholm, Ulrich Thomsen, Helene Reingaard Neumann...