En échappée solitaire de Balthazar, l'impeccable formation avec laquelle il a écrit ces dernières années quelques-uns des plus beaux chapitres du rock belge, Maarten Devoldere fait roucouler son Warhaus dans l'ombre envahie autant qu'envahissante mais jamais pesante de Leonard Cohen. Une magnifique réussite, tout en splendeur avachie, à découvrir jeudi 16 février à la Maison de la musique de Meylan.
« You want it darker » : c'est sans doute ce que s'est dit à lui-même Maarten Devoldere au moment de quitter momentanément Balthazar, ce navire belge avec lequel il repousse depuis quelques années et au fil des albums les limites de l'élégance bizarre et du naufrage plein de panache. « You want it darker » comme un mantra cohenien, donc, du titre du dernier album du maître Leonard. Profession de foi solitaire et ténébreuse digne de la mémoire du Ladies' Man spirituel quebécois. Car ne nous cachons pas derrière le petit doigt du Manneken Pis, il y a du Cohen chez Warhaus, le nom que s'est choisi Devoldere pour évoluer en solo.
Il y a de la noirceur, de la gravité, des claviers électroniques, cette rythmique et cette voix traînante qu'on semble mener à l'échafaud, des chœurs féminins pour soigner les blessures, ou les rouvrir c'est selon, et un peu de lo-fi en guise de philosophie apocalyptique. Devoldere semble même prendre un malin plaisir à ce jeu de "cache/catch-me if you can" : son Memory pourrait être un Memories au singulier et, au même titre qu'I'm not him, un contre-I'm your man (« Just because I'm not your man / Doesn't mean I understand / All the things that you are after ») ; ses The Good Lie et Against the Rich, des formules comme Leonard en avait partout sur le bout de la langue.
Montréal/Bruxelles
Même le titre de l'album, We fucked a flame into being, s'il est une citation de L'Amant de Lady Chatterley de DH Lawrence – « En faisant l'amour nous avons fait naître une flamme » – semble ressortit de la poésie désespérément lubrique du bonze juif de Montréal. Or c'est pourtant bien du Devoldere pur jus qu'on a ici plein les oreilles, élégance un rien schlass, entre décadence et écroulement, présentée comme avec Balthazar en une suite ininterrompue de gestes d'autant plus réussis qu'ils sont vains.
Mais même lorsqu'il s'accroche solidement à sa géographie intime dans la grandiloquence feutrée de Bruxelles (Dieu que cette ville aura inspiré de chansons), son texte (« I've put the enemy asleep / This is where you should start / It is your will that directs the bullet into their innocent heart / And I found you sweet whenever I felt like a miss / You had everything it took to hide from ourselves / And some kind of excess ») le ramène inlassablement à Cohen. « There is a War » chantait Cohen, « There is a Warhaus », lui répond Devoldere.
Warhaus
À la Maison de la Musique (Meylan) jeudi 16 février à 20h