Interview / Après avoir digéré l'insuccès de "Blood Ties", Guillaume Canet a tout remis à plat. À commencer par sa propre vie, dans une autofiction baptisée "Rock'n'roll”.
Pourquoi ce film auto-réflexif sur votre métier et votre vie ?
Guillaume Canet : Je voulais faire un truc sur l'image depuis longtemps, parce ce que quand on est très exposé, on entend énormément de choses. Ça m'amusait aussi de traiter un autre thème qu'un sujet boutique sur le cinéma ou la notoriété, en parlant du jeunisme et de la quarantaine chez l'homme.
Aujourd'hui, on est très recentré sur soi : il faut être sain, avoir des cheveux (pas gris), on doit faire du sport, il y a une culpabilisation autour de la cigarette.... Je n'ai pas eu ma crise de la quarantaine, mais je l'ai faite à travers ce film.
Comment avez-vous convaincu les autres (Yvan Attal, Johnny Hallyday, Kev Adams...) de jouer avec leur image ?
Ils ont tous été séduits par cette autodérision, cet humour. Yvan Attal, par exemple, que ça faisait marrer que je me fasse appeler "M. Cotillard", m'a envoyé un message de bonne année signé "Yvan Gainsbourg". Lui aussi passe à travers ce genre de choses-là.
Donc le Guillaume Cotillard qui figure au générique, c'est vous ?
En fait, c'est mon beau-frère, le frère de Marion, qui est aussi réalisateur. Il a effectué le montage de la séquence des César, et il joue le type au combo dans "le film-dans-le-film". C'est aussi lui qui avait fait le making of de Blood ties.
À quel moment de l'écriture avez-vous décidé d'incorporer la "québéquitude" de Marion Cotillard se préparant à tourner pour Xavier Dolan ?
J'écris chez moi. Et quand mes coscénaristes viennent pour travailler, ils me retrouvent vivant avec "Marion en train de se préparer à tourner avec Dolan" ! Je leur ai raconté qu'un soir, en rentrant à la maison, je l'avais trouvée jouant avec une coach et des petites voitures en vrombissant, tout ça pour faire travailler les lèvres. J'ai vécu pas mal de choses comme ça parce que lorsqu'elle prépare un personnage, elle s'implique vraiment.
Le soir où j'ai commencé à partir dans l'idée de l'accent, j'ai pris le lexique franco-québécois pour lui faire dire des trucs incompréhensibles – qu'on puisse la sous-titrer. Mais j'ai employé des expressions qui ne voulaient rien dire ensemble ! J'ai fini par appeler Xavier Dolan, qui a été hyper-gentil et qui a fait l'adaptation en québécois.
Vous incarnez un prêtre dans le "film dans le film" ; un personnage dont la mine change totalement votre visage...
J'aime bien les compositions, j'ai l'impressions que ça m'aide à entrer dans le personnage. J'ai toujours été fasciné par ces acteurs qui arrivaient à se transformer – je ne sais pas si j'essaie les imiter. C'est un exercice qui me plaît et qui m'aide.
J'ai toujours du mal à imaginer que je puisse être tous ces personnages à la fois. J'essaie de trouver un petit détail à chaque fois : sur La Prochaine fois je viserai le cœur, en mettant le menton plus en avant et en modifiant ma façon de parler, j'avais changé mon physique
Le Guillaume Canet du film est fan de Demis Roussos. Quid du vrai ?
Marion est très contente de dire que c'est vrai. Mais j'assume totalement ! Son spectre est très large : les Aphrodite's Childs, pour moi c'est une période musicalement démente. Et il y a un truc de nostalgie, une émotion dans sa voix, que je trouve forte.
Je me rappelle l'avoir vu dans une émission de télé : Zemmour était en train de le défoncer, de lui aboyer dessus, de le critiquer, d'être méchant gratuitement. Demis Roussos avait une manière tellement zen de prendre ça, d'accepter la critique, de faire avec ; d'expliquer qui il était. Il était vraiment aimable, et le mot aimable prenait tout son sens. Alors, depuis je laisse tout pousser pour être comme lui (rires)