Étienne Comar : « Django Reinhardt a été le premier "guitar hero" »

Django
De Etienne Comar (Fr, 1h55) avec Reda Kateb, Cécile de France...

Pour sa première réalisation, le producteur et scénariste Étienne Comar s’offre rien moins qu’un portrait du plus fameux des guitaristes jazz manouche, Django Reinhardt. Interview.

Pourquoi ce portrait de Django Reinhardt à cette période précise ?

Étienne Comar : Depuis des années je voulais faire le portrait d’un artiste, un musicien dans une période tourmentée de l’histoire et de son existence. Pour plusieurs raisons : j’ai fait de la musique, et je sais sa faculté de vous extraire du monde et à vous isoler et vous aveugler du monde qui vous entoure. Le fait de vouloir traiter d’une période historique compliquée est lié à l’air du temps, parler de la position des artistes, à un moment où tout semble s’effondrer autour de soi.

Django est une icône qui m’a toujours fasciné. D’abord, c’est un peu les prémices du rock’n’roll ; c’est le premier "guitar hero", il a inspiré énormément de jazzmen, de bluesmen, de rockeurs… Quant à la période, parce qu’il fait de la musique, il ne voit pratiquement pas le drame en train de se passe au tour de lui. Il va entrer de plain-pied dans la guerre, parce qu’il va y être contraint, forcé.

Et puis, je n’aime pas trop les biopics qui traitent de toute tout la vie : on travaille sur des cartes postales. Ici, il y a de la fiction : le fait de travailler sur une période aussi restreinte, où il y a peu de document sur sa vie à ce moment-là, autorise à fictionnaliser.

Vous lui faites dire que la guerre ne le concerne pas, que « c’est une chose de gadjé »…

Les Tsiganes ont toujours le sentiment de n’avoir jamais fait la guerre. C’est ce qui se dit dans leur communauté : ils règlent les conflits à l’intérieur, n’ont pas ou peu de propriété privée pas de pays… La guerre est un peu étrangère à la communauté. Ce sont des réflexions que j’ai entendues ou prises dans les livres de gens ayant témoigné de cette période. Beaucoup d’entre eux ont été extrêmement maltraités parce qu’il y avait peu d’opposition.

Ce qui m’a intéressé avec Django, c’est comment il a fait son job pendant cette période. Juste avant la guerre, il était à Londres avec Stéphane Grappelli. Grappelli reste, mais Django décide de rentrer pour jouer, parce que « les Parisiens en avaient besoin ». Je ne dis pas qu’il avait raison ou tort, je ne rentre pas dans un débat moral, mais en tout cas, beaucoup d’artistes continuant à travailler avaient le sentiment que c’était la chose qu’il fallait faire. C’est cette ambiguïté là que j’aime. Beaucoup de chanteurs aujourd’hui vont jouer dans des pays ayant des gouvernements politiques impossibles.

C’est une chose que d’aller jouer pour les habitants, c’en est une autre d’aller rencontrer les dirigeants…

Oui, mais pendant la guerre, tous les dirigeants allemands venaient à Paris voir les concerts jouer, ils allaient au théâtre ; c’était la capitale des plaisirs. Si vous étiez musiciens, on venait vous voir. Je ne dis pas que toutes les circonstances sont égales, mais ça dit quand même quelque chose d’une période trouble, où tout le monde n’est pas noir ni blanc.

Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez su que vous feriez l’ouverture de la Berlinale ?

J’adore cette histoire ! J’avais très envie qu’on présente le film à Berlin, et il a été retenu par le sélectionneur, Dieter Kosslick. C’est un grand amateur de cinéma, de musique et il aime beaucoup Django. Je lui ai tout suite envoyé un mot : « Tu te rends compte : 70 ans après, Django qui a tout fait pour échapper à Berlin, vient enfin y jouer ! C’est merveilleux comme réconciliation et comme ironie. » J’étais bouleversé quand on a montré le film ; évidemment j’ai dit quelques mots là-dessus.

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