Assassin, Busta Flex, Ménélik, Nèg' Marrons, Nuttea, Passi, Stomy Bugsy, les Sages Poètes de la rue... Sortez les mixtapes des tiroirs et les baggys de la penderie : une partie des protagonistes d'une certaine époque sont de retour avec "L'âge d'or du rap français", grande tournée passant par le Summum vendredi 23 juin. On en a interviewé certains en amont.
« On parle beaucoup du rap social, mais à la base le hip-hop c'est de la joie, une communion pour sortir du coma de la routine » déclare d'emblée Stomy Bugsy du groupe Ministère A.M.E.R. Il se souvient de Sarcelles, alors l'un des spots du mouvement, et du hall du centre commercial des Flanades qui grouillait de danseurs... Le hip-hop le percute au début des années 1980, par le biais de son grand-frère José et d'une cassette de Sugarhill Gang : « groovy ! ».
À l'époque, le vestiaire est encore inspiré du disco et du funk – « c'était un trip Funkadelic, avec les paillettes, les costumes avec épaulettes, les lunettes en forme d'étoiles... » se souvient Nuttea, roi du ragga français qui collabora beaucoup avec IAM. Un vestiaire qui, pourtant, laissera vite place aux baggys et teddys made in USA. Le style faisait ainsi partie intégrante de la mouvance, une manière de vivre à part entière comme le dit la chanteuse K-Reen : « À l'époque, être dans le hip-hop, c'était être soi-même. » Stomy Bugsy confirme : « C'était une façon de s'autoproclamer, de se montrer. De par ton accoutrement, tu disais quelque chose. »
« Les Américains hallucinaient »
Si les années 1990 ont été si prolifiques (au point d'en faire une tournée revival au nom explicite : "L'âge d'or du rap français"), c'est parce que les années 1980 ont ouvert de nouvelles vannes pour la création musicale. Des médias underground comme Radio Nova ont vite flairé ce qui se jouait, et même TF1 diffusait du rap dans les années 1980, via l'émission culte H.I.P. H.O.P. de Sidney. Stomy Bugsy (qui dansa dans l'émission, comme JoeyStarr) et Nuttea s'accordent : « C'était même la première émission de rap au monde. Les Américains hallucinaient. Ça peut paraître bizarre, mais il y avait une émission de hip-hop le dimanche à 13h sur TF1 ! C'était un tremplin fantastique. Les invités étaient DST, Afrika Bambaataa, Fat Boys... »
Les majors du disque, elles, fuyaient au début les groupes politisés. Stomy Bugsy : « C'était la révolte. On avait envie de tout dynamiter avec nos lyrics. Si le morceau était diffusable, c'est qu'il n'était pas fort. » Il est encore hilare en pensant à Polydor qui appela les flics : « Quand on prenait contact avec les majors, ils nous claquaient la porte au nez ! » Pourtant, ces majors se rattrapèrent vite. Cassidy et Ill des X-Men furent les premiers à signer chez Universal, eux qui commencèrent à scander des textes pour s'amuser, au début des années 1990, au sein du collectif Time Bomb (avec Oxmo Puccino). Certaines injustices les poussèrent à prendre le rap plus au sérieux, pour « prôner le droit d'être entendu. »
« On n'était pas là pour mentir »
Car de festif dans les 80's, le rap devient revendicatif dans les 90's. Un exemple ? Les paroles d'Assassin en 1995 dans le morceau Shoota Babylone : « Si tu restes statique, si tu ne t'occupes pas de politique / La politique s'occupe de toi / Si tu t'en occupes trop : gare ! / Aux chiens de garde de l'État ». « On a toujours déclaré : "éduque-toi". On a participé à instruire les gens, à voir autre chose que ce qu'ils avaient envie de voir » analyse rétrospectivement DJ Duke.
Aujourd'hui, tous ceux qui, comme lui, remontent sur scène pour cette tournée de "l'âge d'or" l'assurent : en 2017, leurs textes sont plus parlants que jamais. Ill (du groupe X-Men) : « Notre petit passage de vingt ans prouve que l'on n'était pas là pour mentir. » DJ Duke : « Même si c'est effrayant et triste de revivre la même chose, l'être humain n'est pas fait pour vivre dans une société parfaite. » Un constat désabusé qui n'empêchera sûrement pas le public de reprendre en chœur leurs tubes devenus de véritables hymnes (même s'il manque du monde à l'appel, comme IAM, NTM, MC Solaar ou encore Doc Gyneco). À quand leur diffusion sur Radio Nostalgie ?
L'Âge d'or du rap français
Au Summum vendredi 23 juin à 19h