Depuis un an, il n'y a plus d'expositions au centre d'art le Magasin (devenu le Magasin des horizons) : un choix assumé par sa nouvelle directrice Béatrice Josse (au centre et en gris sur la photo avec son équipe), qui préfère organiser des temps forts pluridisciplinaires – « je ne m'inscris pas dans le champ de l'art contemporain des années 1980 ». Et qui, surtout, déplore l'état du bâtiment qu'elle a trouvé en arrivant à Grenoble. On fait le point avec elle.
Il y a un an, vous avez pris la tête du Magasin, le centre national d'art contemporain de Grenoble. Sauf que depuis ce temps, il n'y a plus d'expositions dans les lieux, mais de nombreux événements courts croisant les genres – la Nuit des idées, le Grand rassemblement, Slow is beautiful, les Sororales... Pourquoi ce choix ?
Béatrice Josse : Parce que le centre d'art est sorti d'une période difficile [une crise entre les employés et l'ancien directeur – NDLR] : ça prend du temps de remettre les choses à plat. Et aussi parce que l'art contemporain, c'est autre chose que des expositions, ce que l'on a démontré pendant toute la saison dernière avec des projets mêlant des artistes, des activistes, des gens du secteur social... Tout ça, c'est aussi de l'art contemporain.
En arrivant, j'ai donc tout de suite voulu mener un projet qui mêle des expositions, une programmation art vivant, des rencontres... Mais on s'est vite rendu compte qu'en l'état, le bâtiment ne permettait pas ça [les halles sont très mal isolées, et le chauffage ne peut être rallumé dans le bâtiment, en particulier dans les galeries d'exposition, ce qui détériore les œuvres exposées – NDLR] : il faut le reprendre de bout en bout pour pouvoir travailler correctement. On s'attelle donc à mettre les tutelles autour de la table afin de trouver de l'argent pour rénover le bâtiment : voilà ce qui est l'essentiel de mon activité en ce moment !
Pour en revenir à votre programmation, comment la définiriez-vous ?
Ce sont plusieurs événements qui posent la question de l'artiste dans sa société et quel rôle il peut y jouer. On se dit que l'artiste peut occuper beaucoup plus de place que celle qu'on lui donne, qu'il a beaucoup de choses à dire avec ses outils sur le monde dans lequel on vit et, surtout, sur le monde dans lequel on devrait vivre.
Une fois rénové, le lieu permettra d'accueillir des activités plus longues que simplement deux-trois mois d'exposition. L'idée, c'est d'avoir des artistes associés tout au long de l'année, qui ne viennent pas que des arts visuels mais aussi des designers, des écrivains, des performeurs...
L'ADN du Magasin va s'en trouver fortement modifié...
On ne s'inscrit plus dans le champ de l'art contemporain des années 1980 : aujourd'hui, il y a plein d'artistes qui ne sont pas visibles parce que les lieux d'exposition ne correspondent pas à leurs pratiques. On voudrait que l'institution de demain soit une réponse pour ces pratiques qui n'ont pas les formes pour rentrer dans des grands établissements avec des grands murs blancs et des grands espaces. Nous, on souhaite des espaces plus conviviaux, des espaces de rencontre, des ateliers mutualisables...
Ce Magasin que vous dessinez, quand verra-t-il le jour ?
Si seulement on avait une date ! Là, toutes les tutelles sont d'accord pour les travaux. Il faut maintenant trouver le montage juridique pour savoir qui les porte, à quelle hauteur...
Comment s'est passée votre arrivée à Grenoble en 2016 ?
Je l'ai déjà dit plusieurs fois mais à Grenoble, il y a une appétence pour la rencontre, pour le débat... Le public est très curieux. Par rapport à l'endroit d'où je venais [la région de Metz – NDRL], c'est criant. Après, avec les problèmes du bâtiment dont je vous parlais, notre quotidien est tellement fort et difficile qu'il nous empêche de voir autrement.
Dès votre arrivée, vous avez tissé des liens avec d'autres structures culturelles grenobloises qui ne sont pas dans le domaine de l'art contemporain – le Centre national chorégraphique, le Pacifique... Et qui, comme le Magasin, sont dirigées par de nouvelles têtes – Yoann Bourgeois, Rachid Ouramdane, Marie Roche... Pourquoi ?
Parce que nous avons les mêmes valeurs, la même façon d'envisager la place de l'artiste dans la cité. Développer des projets avec eux a très vite été évident. Comme par exemple un projet qui s'appelle L'Académie de la marche, dans lequel vont venir le CCN, le Pacifique mais aussi la Maison de la création de l'université ou des collectivités... Autour d'un sujet, on catalyse des énergies et des esthétiques différentes. On est en capacité de développer des projets qui parlent à d'autres. Et après vient qui veut, on n'est pas du tout sectaires, au contraire !
Et quels sont aujourd'hui vos liens avec les autres plus petits centres d'art de l'agglomération (le Centre d'art Bastille, le Vog, l'Espace Vallès...) ?
(long silence) Dans la mesure où nos espaces ne peuvent pas être utilisés pour montrer des œuvres – les photos on ne peut pas sinon elles se détériorent, ce qui est sur papier c'est pareil –, c'est difficile de tisser des liens avec des gens qui montrent des pratiques qui nécessitent ce type de lieu. Donc, pour l'instant, nous n'avons pas de relation proche, mais rien n'empêche qu'on en ait à l'avenir.
Horizons multiples
Tout bouge au Magasin, rebaptisé par Béatrice Josse et son équipe Magasin des horizons (« pour élargir le champ des possibles ») et qualifié maintenant de « centre national d'art et de cultures ». Tout bouge jusqu'à l'École du Magasin, qui a pour but de former des commissaires d'exposition : elle devient les Ateliers des horizons (la promo 2017 est sur la photo de cet article), pour un « apprentissage collaboratif ouvert à bien plus de personnes, de l'artiste au travailleurs sociaux ». Quant à la librairie ouverte au public, elle n'existe pour l'instant plus, en attendant que les travaux soient effectués dans tout le bâtiment. Enfin, pour ce qui est de la programmation, elle n'est plus annualisée mais livrée au fil des mois. Et sera même hors les murs cet hiver, le Magasin des horizons fermant ses portes le temps de la saison froide.