Jeany Jean-Baptiste : « À la Casemate, on ne s'est pas autorisés à être effondrés »

Depuis cet été, le centre de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI) de Grenoble répondant au doux nom de Casemate (rapport au lieu où il se trouve, au pied de la Bastille) a une nouvelle directrice en la personne de Jeany Jean-Baptiste (l’ancien directeur Laurent Chicoineau étant parti au CCSTI de Toulouse). On l’a rencontrée pour faire connaissance, et surtout revenir avec elle sur l’incendie que la Casemate a subi fin novembre.

Comment se porte la Casemate depuis l’incendie qui, dans la nuit du 21 novembre 2017, a détruit son Fab Lablaboratoire qui dope l’inventivité en donnant accès à des outils de fabrication numérique ») ?

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Jeany Jean-Baptiste : En fait, l’incendie n’a pas détruit que le Fab Lab mais aussi toute l’infrastructure du premier étage. Depuis, même si les matériaux et les machines qui ont brûlés sont encore sur le toit-terrasse en attendant d’être très vite apportés à la déchetterie, les locaux ont été décontaminés – c’est le terme technique. Donc on a presque récupéré un plateau nu en état d’être reconstruit [le reste du bâtiment, notamment la partie exposition, est lui déjà rouvert depuis décembre – NDRL].

Les incendiaires ont revendiqué leur geste en assurant que la Casemate était une « institution notoirement néfaste par sa diffusion de la culture numérique »…

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Ça a été violent à recevoir dans la façon de procéder comme la particularité de la Casemate est d’héberger un Fab Lab dans un centre de science. Et un centre de science a pour vocation d’être un lieu d’échanges où, justement, on peut questionner et critiquer les pratiques scientifiques, les développements des sciences et des techniques… C’est donc dommage d’avoir coupé court à toute tentative de dialogue en cassant le lieu, et surtout sans se parler comme on ne se connaît pas. Mais visiblement, ce sont des gens qui ne sont même jamais venus à la Casemate.

La seule bonne surprise de cet incendie a été l’élan de solidarité qu’il a généré…

On a compilé tous les témoignages de soutien et marques de sympathie que l’on a reçus, et il y en a ! Beaucoup viennent de Grenoble et de l’agglomération, mais aussi des États-Unis, de Norvège, du Japon… Toute cette communauté des Fab Lab et des centres de science nous a soutenus dans ce moment difficile. Du coup, on ne s’est pas autorisés à être effondrés comme il y avait une telle émulation, un tel élan de solidarité. On ne pouvait qu'aller de l’avant.

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Très vite après l’incendie, vous avez lancé un appel aux dons…

Oui. Il a été lancé le 23 novembre et a duré environ deux semaines. On a recueilli 32 000 euros qui vont être utilisés pour la reconstruction de l’étage – on prévoit de le rouvrir à la fin de l’été ou à la rentrée prochaine. En attendant, première quinzaine de février, on a dans l’idée d’ouvrir un Fab Lab temporaire au rez-de-chaussée de la Casemate. Un Fab Lab qui sera plus petit que celui de l’étage, avec une capacité d’accueil de 20 personnes en simultané et des modalités de fonctionnement revues – on sera certainement sur des activités pour le jeune public et les scolaires en journée, et l’accueil des "makers" en soirée.

Quand l’incendie a eu lieu, vous veniez de prendre votre poste de directrice : ça n’a pas dû être facile !

J’ai pris mes fonctions mi-août et trois mois après on avait l’incendie : ça a été violent pour moi dans la prise de poste. On peut dire que ça a été un baptême du feu ! Mais l’avantage que j’ai eu, peut-être, c’est d’être une ancienne de la Casemate, donc je connais bien son écosystème.

Justement, quel est votre parcours qui vous a amenée à la direction de la Casemate ?

J’ai fait mes études à Grenoble – une maîtrise de communication et après un master en direction de projets culturels à l’Observatoire des politiques culturelles. Et depuis une bonne vingtaine d’années je travaille à la Casemate. J’étais responsable de l’ingénierie de projets culturels à caractère scientifique et technique : en gros, tout ce qui va concerner l’aide à la mise en œuvre de projets culturels dans le domaine des sciences et techniques, soit en interne soit pour le compte de partenaires extérieurs comme des collectivités publiques par exemple.

Maintenant vous dirigez toute la Casemate. À quoi, justement, sert un CCSTI aujourd’hui ?

À faire de la prospective ; à imaginer demain en matière de forme de médiation, de forme de participation, comme la construction des savoirs ne se fait pas uniquement de façon descendante : nos concitoyens sont également porteurs de compétences, de questionnements, de regards différents… Du coup, c’est cette dynamique-là, ces façons de s’approprier un sujet, qui sont intéressantes pour un CCSTI.

Car la Casemate, via notamment ses expositions ou son Fab Lab, est ouverte à tout le monde, et non pas qu’aux technophiles, geeks et autres scientifiques purs et durs…

Bien sûr ! J’envisage la Casemate comme une sorte de portail, de plateforme d’échanges, où l’on propose à des gens d’horizons différents de se rencontrer et d’échanger. Ça casse les sillons disciplinaires. On peut venir à la Casemate comme vous le dites, mais on peut aussi se l’approprier par l’extérieur comme on a une grande activité en ligne avec la plateforme Echosciences qui permet à tous d’être lecteur, contributeur, partie prenante…

Comment travaillez-vous avec la métropole grenobloise, notamment sur la question des Grands Moulins de Villancourt, futur centre de médiation artistique et scientifique devant notamment comprendre un planétarium et des salles d’exposition ?

Depuis janvier 2015, la métropole a pris la compétence culture scientifique donc c’est maintenant l’un de nos partenaires forts. Nous sommes en train, avec elle et les acteurs de culture scientifique, de monter un dispositif métropolitain de culture scientifique qui inclut la Casemate en tant qu’équipement structurant et également le projet des Grands Moulins de Villancourt à Pont-de-Claix, horizon 2021. L’idée est qu’il y ait un organe de gestion qui puisse assurer la programmation de ces deux équipements et, pour l’instant, c’est la Casemate qui est envisagée.

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